Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Tourner un clip vidéo pour apprendre des Mathématiques.
Article mis en ligne le 24 novembre 2009
dernière modification le 19 août 2014

par Cyrille Guieu

Cet article est un compte-rendu d’une partie des séances de PPRE d’une classe de 6ème de Septembre 2008 à Juin 2009. Le dispositif en lui-même et les productions réalisées durant ces cours ne prétendent en rien être des modèles transposables telles quelles à d’autres situations. Cependant les outils disponibles pour animer ce type de séance ne prennent pas toujours en compte deux problèmes : la motivation des élèves en échec et les problèmes d’expression, notamment d’expression orale.

La séance désormais classique en salle informatique, sur Mathenpoche par exemple, basée sur la répétition d’exercices du même genre peut sembler dans un premier temps résoudre le problème de la motivation. Mais l’aspect ludique peut laisser place à une certaine lassitude de la part des élèves -et parfois même du professeur. La relation régulière avec l’ordinateur peut devenir un obstacle au développement de certaines compétences de communication. Si l’on n’y prend pas garde, le recours à un logiciel ad-hoc, conçu pour faire progresser les élèves, peut conduire à effleurer les problèmes pédagogiques sans pour autant contribuer efficacement à les résoudre.
Pour toutes ces raisons, j’ai tenté pour l’année 2008-2009 d’éviter les séances d’exercices scolaires systématiques pendant les séances de PPRE d’une classe de 6ème. Nous avons donc commencé par un premier travail sur des pliages pour amener le vocabulaire de la géométrie (alignement, perpendicularité ...). Dans un second temps, nous avons travaillé sur des programmes de construction en utilisant un traitement de texte, puis nous avons travaillé sur la construction de figures avec Geogebra (ce qui a complété le travail effectué en classe entière). Pendant toutes ces séances, le but était de motiver l’utilisation d’un langage adapté et le passage par l’écrit.
Les résultats ont été encourageants mais ont aussi mis en lumière une autre difficulté, celle de l’image très négative que ces élèves avaient d’eux-mêmes lorsqu’ils font des Mathématiques. Le fait de travailler autrement, de sortir -un peu- de la relation pédagogique traditionnelle a permis d’envisager le manque d’estime de soi comme source de l’inhibition de certains élèves.

Notre vidéo « brouillon »

Pour aborder les questions numériques, nous avons fait un travail sur les opérations au programme de la classe de sixième en utilisant le caméscope du collège. La consigne était : « Vous devez réaliser un clip vidéo pour expliquer a des élèves comment additionner deux nombre décimaux. » Partant de là, les élèves ont été incités à écrire leurs textes pour les dire sans hésiter – la vidéo ne pardonne pas ! Ce n’était d’ailleurs pas toujours le même élève qui écrivait le texte et qui le lisait. Nous avons poursuivi ce travail sur la technique du produit et celle de la division euclidienne. Bien que les vidéos réalisées ne soient pas véritablement abouties pour être raisonnablement montées – il faut dire que je débutais autant que les élèves en la matière-, les objectifs initiaux de motivation, d’estime de soi et d’expression ont été réellement travaillés pendant cette séquence consacrée aux techniques opératoires. Nous avons ensuite travaillé de la même manière sur la résolution de petits problèmes numériques. Mais, même enrobée dans l’utilisation d’un artifice audiovisuel, la motivation a fini par s’estomper au bout de quelques semaines (une dizaine), sans pour autant que toutes les difficultés mathématiques aient pu être abordées.

Travail sur la division

Pour remotiver les élèves, je leur ai proposé une sortie vidéo, dans le village pour aller acheter des bonbons ! Ce point de départ a donné lieu a la séquence la plus intéressante de toutes ces tentatives de faire progresser les élèves en échec. Un repérage du futur lieu de tournage avait permis d’assurer un « bon » problème mathématique, en regard des objectifs du niveau. Ensuite nous avons progressé pas à pas dans la résolution, la deuxième séance a été consacrée à la scène de présentation des données, les deux suivantes à la mise au point de la résolution et les dernières à la scène d’ouverture du sac et au tournage de la solution retenue.

On pouvait attendre d’un élève de 6ème trois manières de résoudre ce problème :
 Par essais/erreurs, par exemple : $3 \times 15=45$ et $30 \times 15=450$ donc $33 \times 15=495$
 Par calcul du côut puis division euclidienne de 495 par 15
 Par division euclidienne de 500 par 15

Les deux dernières méthodes sont des méthodes expertes pour ce niveau d’étude. La dernière est plus générale car elle ne nécessite pas de connaître la monnaie rendue. Le travail de guidage devait donc emmener les élèves vers cette dernière méthode. On aurait pu penser que la première méthode émergerait spontannément, comme pratique de la vie courante. En fait, il n’en a rien été. C’est d’autant plus étonnant que , juste après la prise de vue au vendeur de bonbons, nous avons discuté du prix de 2,3,4... carambars.

Concernant la validation du résultat, elle s’est faite par l’égalité $33 \times 15 + 5=500$ ou par l’égalité $33 \times 15=495$ en fonction de la méthode adoptée par l’élève. Il a fallu du temps pour que tous les élèves soient d’accord avec la solution proposée dans le film. On aurait pu choisir d’ouvrir le sac avant pour invalider une solution fausse mais ce n’était pas cohérent avec l’objectif de valoriser le travail des élèves.

Il est à noter que l’existence de plusieurs solutions pose la question de celle qu’on va montrer et incite à comparer les méthodes. L’obligation de faire un choix parce qu’on doit aboutir à un produit fini suscite des discussions dont l’intérêt mathématique n’a rien à envier à celles qu’on peut avoir avec de « bons » élèves.

Travail sur les pourcentages

Arrive la dernière période de l’année, celle où c’est habituellement un casse-tête de faire travailler les élèves en difficulté. Avant la coupure des vacances, je demande aux élèves le thème sur lequel ils veulent travailler. Ils choisissent les pourcentages. Je lance donc le travail en utilisant le schéma précédent : recherche d’un lieu adapté, prise de vue et problème, recherche de la solution et présentation des résultats. Mais les choses ne se passent pas aussi bien que prévu car le supermarché dans lequel j’envisageais d’aller tourner m’a prévenu au dernier moment que nous n’étions pas autorisés à le faire. Nous voilà donc partis caméras sous le bras à la recherche de pourcentages à Chateaurenard. Le fromager des halles nous sauve in extremis après deux tentatives infructueuses auprès d’autres commerçants. Le reste de la séquence se passe comme la précédente, la séance type a la structure suivante :

 On commence par visionner ce qu’on a tourné la semaine précédente
 Les élèves reprennent ce qui est à améliorer : travail sur feuille, répétition des textes
 Tournage de nouvelles scènes

Le point fort du scénario des "bonbons" reposait sur la possibilité concrète de contrôler le résultat obtenu. La détermination de la quantité de matière grasse dans un corps donné posait des problèmes techniques que je n’ai pas su résoudre. Ce manque de perspective a constitué une vraie faiblesse qui a pesé sur le travail des élèves. La modeste "béquille didactique" employée pour donner du sens à ce travail a été de mettre en évidence le lien entre la méthode de calcul d’un pourcentage d’une quantité abordée en classe et l’expression de bon sens : "50% c’est la moitié". Ceci est d’autant plus appréciable que dans le calcul :

$$\frac{Quantité totale \times pourcentage}{ 100}$$

le premier produit calculé n’a pas un sens évident.

En conclusion de ces travaux, j’ai projeté à la classe de 6ème dans son entier les deux films que nous avions réalisés. La projection s’est achevée par des applaudissements sincères et gratifiants pour les élèves auteurs du projet.
Cette manière de travailler m’a convaincu de l’intérêt de fabriquer quelque chose avec les élèves, cela donne un but plus palpable que l’assentiment du professeur même assorti d’une bonne note. La conception d’exposés ou de page web pourrait aussi avoir leur place dans ce type de démarche. Les problèmes techniques posés par la vidéo ne sont pas à négliger. Je n’aurais pas pu mener à terme un tel projet sans le soutien et les compétences de l’Assistant Technique Informatique de mon collège Vincent ALT, que je remercie.