par Gérard Kuntz
Cet article est une présentation du film « Dimensions » (auteurs)
L’une des gravures les plus célèbres d’Escher s’intitule Reptiles . Prenez le temps de l’admirer ici, car elle passe malheureusement trop vite dans le film. Sur une page d’un cahier de dessin, on voit un pavage dans lequel des lézards plats s’emboîtent à la perfection. |
C’est l’image d’un monde plat : les lézards qui vivent dans cette page ne connaissent que cette page, ils ignorent l’espace qui les entoure. Nous les voyons, nous savons que leur monde plat n’est qu’une page d’un cahier qui est situé dans notre espace, mais les reptiles plats l’ignorent.
L’un de ces lézards a la chance d’échapper au plan et visite notre monde : on le voit en bas qui prend progressivement de l’épaisseur, qui grimpe sur un livre, emprunte une équerre en guise de pont qui le mène sur un promontoire de forme dodécaèdrale, avant de redescendre et de reprendre sa position dans son monde plat, riche de sa nouvelle expérience, comme un explorateur qui aurait découvert un nouveau continent.
Pour rendre ces lézards (désespérément plats) sensibles à la troisième dimension, le film propose de faire passer les cinq polyèdres de Platon au travers du plan des lézards ! Pour les aider à imaginer, au moyen des sections/polygones qui se déforment, le volume d’origine ! Une sorte de tomographie. Il leur offre ensuite une seconde chance d’imaginer l’inconnaissable, par la projection stéréographique.
La gravure d’Escher incite à une réflexion philosophique : si ces lézards ignorent l’existence du monde extérieur, ne sommes-nous pas dans la même situation ? N’existerait-il pas un monde « extérieur » au nôtre, auquel nos sens ne nous donnent pas accès ? D’ailleurs, les allusions philosophiques abondent dans cette gravure. On y voit les quatre éléments qui, selon Platon, constituent le monde : l’eau dans le verre, l’air expulsé des narines du lézard, la terre dans le pot, le feu évoqué par la boîte d’allumettes, et même le dodécaèdre qui représente la quintessence, le cinquième élément... Le papier à cigarettes de la marque Job est-il une allusion biblique ?
Dans la foulée de cette parabole reptilienne, le film tente de nous initier (nous qui vivons en trois dimensions) à une quatrième dimension ! En nous faisant découvrir au passage de superbes démarches mathématiques, à la frontière de la science et de la poésie. Les images sont d’une grande beauté, voyez celles des fractales dans cette page.
Avant de voir le film (il dure près de deux heures), je vous suggère de parcourir ses 9 chapitres et d’en découvrir des extraits significatifs : les textes sont clairs et bien écrits : ils permettent de saisir l’ambitieux projet des auteurs : faire comprendre et apprécier des mathématiques complexes à un très large public.
Vous pouvez alors le télécharger gratuitement ici, et/ou en commander un DVD au prix de 10 euro (franco de port !). A ce prix, aucune excuse de ne pas le trouver dans tous les CDI.
Bonne promenade poético/philosophico/esthético/mathématique !