Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Recension du livre « The Mathematics Teacher in the Digital Era »
« An International Perspective on Technology Focused Professional Development »

Un livre publié par Springer, concernant mathemaTICE puisqu’il y est question de ce que les TICE apportent à l’enseignement des maths

Article mis en ligne le 16 juin 2014
dernière modification le 25 avril 2021

par Alain Busser

Le dernier livre de cette série, publié par les célèbres éditions Springer, est divisé en trois parties :

  • Pratiques courantes et opportunités pour le développement professionnel
  • Instrumentation des ressources numériques en classe
  • Théories sur les théories

Cet article peut être librement diffusé à l’identique dans la limite d’une utilisation non commerciale suivant la licence CC-nc-nd (http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/)

Article de Mason

Un article de John Mason précède tout le livre. Il évoque la didactique dans le contexte numérique, ce qui est très utile pour les lecteurs [1] ne connaissant pas ce domaine.

On y trouve l’exemple que voici, illustrant en quoi les logiciels de géométrie dynamique aident l’imagination :

En faisant tourner le point P, l’attention est attirée vers la figure, et mène directement à l’émission de conjectures (sur la forme du triangle rouge, et sur la trajectoire d’un point de ce triangle). La rotation focalise l’attention sur les angles, et mène alors à une conjecture sur les valeurs des angles du triangle, comparées à celles des angles entre les droites passant par le centre du cercle. Ce qui suggère des moyens de prouver les conjectures, soit en passant par la rotation, soit en passant par les angles inscrits.

En effet, pour Mason, la focalisation de l’attention est très importante : « Aligning teacher and student attention improves communication ».

À noter une critique de la célèbre Khan Academy : « In some commercial collections such as the Khan Academy (op cit.) there is evident lack of sensitivity to classic student misapprehensions » [2]

Partie I : Expériences menées en classe

Les premiers articles

Cette partie commence par une enquête de Nicola Bretscher sur l’utilisation des TICE en maths au Royaume-Uni ; le résultat n’est pas très moderne : Les logiciels les plus utilisés en maths sont le logiciel du TBI, et Powerpoint ; aucun des deux n’est spécifique aux maths, et par exemple les logiciels de géométrie dynamique comme GeoGebra sont peu utilisés.

S’ensuit un article de Thomas et Palmer sur l’utilisation des TICE en maths en Nouvelle-Zélande. L’article est fondé sur une enquête réalisée auprès d’enseignants, et le questionnaire comprend une liste d’inquiétudes constatées chez des enseignants. Cette liste est à elle seule intéressante. Par exemple : « Using a graphic calculator removes some learning opportunities for students »...

Puis un article de Bellman, Foshay et Gremillion sur l’utilisation d’un réseau de TI-Nspire en classe de maths. Les auteurs semblent mélanger la connaissance de la Ti-Nspire avec la pédagogie : Ainsi, un enseignant qui fait encore des cours magistraux est qualifié de niveau « immediate », alors qu’un enseignant ne faisant jamais cours est au « master level » (et les auteurs reconnaissent qu’il faut des années de stage chez Ti pour acquérir un tel niveau). Cet article me laisse la désagréable impression que l’instruction en maths est réservée aux élèves ayant les moyens de travailler chacun sur sa Ti-Nspire. Mais il est néanmoins intéressant par ses graphiques montrant la hiérarchie des types de connaissance (comment naît une « big idea »).

Le Mexique

L’article suivant, de María Trigueros, María-Dolores Lozano et Ivonne Sandoval, est une enquête réalisée au Mexique dans plusieurs écoles, sur des séquences où a été utilisé enciclomedia (un corpus d’outils mexicain, qui, d’après les copies d’écran, ressemble un peu à MathenPoche). Trois utilisations des TICE sont distinguées :

  • le remplacement (typiquement, utiliser un compas virtuel au TBI au lieu d’un compas matériel)
  • l’amplification (utiliser les performances des TICE pour accélérer la résolution de certains exercices ; par exemple, le calcul formel pour se concentrer sur la mise en équation)
  • la transformation (changement de la manière d’enseigner consécutive à l’utilisation des TICE)

Bien entendu, des enseignants se trouvant dans chacune des trois catégories ont été sollicités, et des commentaires sur leur façon de faire ont été rédigés par les auteurs. On y voit l’utilisation de jeux sérieux pour enseigner les fractions, mais l’un des enseignants joue seul au TBI, en demandant aux élèves de guider sa manière de jouer. D’où l’intérêt d’équiper de petits groupes en ordinateurs, pour que chaque élève puisse travailler à son rythme,et d’où l’avantage des petits effectifs...

L’Australie

L’article de Merrilyn Goos est basé sur la théorie des zones de Valsiner. Il comprend un véritable roman policier (récit d’une enquête menée par les élèves d’un enseignant ayant pratiqué du théatre). Les deux enseignants dont le travail est décrit dans cet article utilisent les TICE non seulement comme une aide, mais même pour évoluer en tant qu’êtres humains : « his modes of working with technology became more sophisticated over time, progressing towards extension of self ». On constate l’importance donnée à la statistique (régressions quadratique, exponentielle et trigonométrique) à partir de données mesurées [3] (température dans l’enquête policière) pour stimuler l’attention des élèves. En particulier, le tableur est utilisé pour « hacker » un jeu en ligne !

Le Canada

L’article de Chantal Buteau et Eric Muller est impressionnant de par le niveau atteint (des élèves-professeurs tout de même) : Un exemple, la programmation est utilisée pour aider à la résolution de problèmes mathématiques suivant une préconisation de Papert : « Papert... points out that the process of writing a program forces one to consider possible misunderstandings and ambiguities in a discourse... This may force a student to clearly understand the problem themselves » ; or le langage de programmation utilisé a été Java puis a été abandonné au profit de Visual Basic, non pas parce que Java est difficile, mais parce que « it included few applications to mathematics » !

Un exemple mis en exergue est celui d’Adam Profetto qui a créé un micromonde pour explorer l’ensemble de Mandelbrot et des généralisations à des exposants supérieurs à 2, puis a conjecturé

  • que l’aire de l’ensemble de Mandelbrot est $\frac{\pi}{2}$ [4]
  • que lorsque l’exposant tend vers l’infini, la valeur limite de l’aire redevient $\frac{\pi}{2}$

Partie II : L’héritage de Trouche

Ecole maternelle

L’article ouvrant cette partie est signé par des néerlandais, en particulier
Paul Drijvers, auteur d’une théorie appelée TPACK, qui classe l’acquisition de connaisance selon 3 axes :

  • la technologie (TK)
  • la pédagogie (PK)
  • le contenu (CK)

Le tout résumé dans un diagramme de Venn apportant les intersections TPK, TCK, ACK et surtout l’intersection du tout : TPACK. Pour classer les pratiques des enseignants selon ce modèle, les auteurs utilisent la comparaison entre la classe et un orchestre, initiée par Trouche.

L’article suivant, de Ghislaine Gueudet, Laetitia Bueno-Ravel, et Caroline Poisard, utilise la théorie de l’orchestration et notamment le concept de « performance didactique » de Paul Drijvers pour comparer l’utilisation des TICE dans des écoles maternelles de Bretagne. Voici deux exemples d’outils en ligne sollicités dans des séquences [5] :

Tableur

Mariam Haspekian relate l’utilité du tableur pour la découverte de l’algèbre. Fort heureusement, elle en avait déjà fait le récit en français dans sa thèse [7].

On trouve dans cet article l’affirmation un peu surprenante que voici : « There is no research at world scale comparing integration of geometry software and spreadsheets, but all local studies that can be found indicate a better penetration of geometry software than spreadsheets ». En effet, cette affirmation entre en contradiction avec les données fournies par Nicola Bretscher sur l’utilisation des TICE en Grande-Bretagne, mais aussi avec l’index du livre : Le mot « spreadsheet » y est référencé 19 fois, et l’expression « dynamic geometry » seulement 3 fois (et « GeoGebra », 4 fois).

Hiccups et incidents didactiques

(un chapitre de Maha Abboud-Blanchard se trouve entre ceux relatés ici ; il n’a pas fait l’objet d’une revue ici ; cela ne signifie nullement qu’il n’est pas intéressant, c’est juste qu’il a fallu faire des choix)

Alison Clark-Wilson est l’une des éditrices du recueil. Elle a aussi rédigé un chapitre sur ce qu’elle appelle des hiccups, c’est-à-dire des agitations mentales qui surviennent en classe à cause des TICE, mais qui peuvent conduire à modifier l’épistémologie personnelle des enseignants, par analyse du hiccup :

« They were highly observable events as they often caused the teacher to hesitate or pause, before responding in some way. Occasionally the teachers looked across to me in the classroom in surprise and, particularly in the case of hiccups relating to what they considered to be unhelpful technological outputs, they sometimes expressed their dissatisfaction verbally. »

Ce chapitre est à comparer avec celui de Gilles Aldon qui, lui, parle d’incidents didactiques, qu’il définit comme des évènements qui modifient la dynamique de la situation. Il en décrit plusieurs catégories :

  • externe (par exemple sa présence dans la classe)
  • syntactique (difficulté d’un changement de registre par exemple)
  • de friction (interférence entre deux niveaux différents dans la liste qu’il propose dans son article)
  • de contrat didactique (perturbation significative du contrat didactique)
  • mathématique (abscence de réponse à une question mathématique)

Gilles Aldon donne un exemple d’analyse d’une situation où un réseau de calculatrices NSpire a été utilisé par lui pour avoir des traces relativement exhaustives des activités des élèves lors d’une séance : Contrairement au cahier, « toute trace de recherche », ou presque, figure sur la calculatrice, et l’utilisation du réseau permet de récupérer la feuille de calcul pour analyse ultérieure, voire des statistiques. Il utilise cet exemple pour illustrer divers exemples d’incidents didactiques.

Partie III : Deux théories sur le fonctionnement du prof de maths en milieu hostile numérique

Transposition méta-didactique

L’une des éditrices du livre est italienne, et fait partie des auteurs de ce chapitre, consacré à la description et la mise en pratique d’un modèle théorique d’analyse et de description de la formation des enseignants utilisant la théorie anthropologique du didactique de Chevallard et en particulier la notion de praxélogie.

Ruthven

Kenneth Ruthven, plusieurs fois cité dans l’ouvrage, est chargé de faire une sorte de bilan en fin de celui-ci. Il revient sur le modèle TPACK (voir à « école maternelle ») et donne de nombreux exemples, une fois de plus axés sur les calculatrices en réseau, mais aussi wisweb [8]