La séquence de calcul mental en CE1 utilisant le boulier chinois a été conçue au sein du groupe de recherche MARENE (Mallette de Ressources pour le Nombre à l’École) de l’ESPE de Bretagne. Le groupe MARENE fait partie d’un projet plus large (sept. 2011 – juil. 2014) « Mallette de ressources mathématiques pour l’école, cycle 1 – cycle 2 » [2]. Dans le cadre de ce projet, la spécificité du travail du groupe MARENE est de proposer des ressources permettant de faciliter l’intégration des nouvelles technologies (ici le boulier chinois virtuel) dans l’enseignement des mathématiques à l’école.
2.1 Présentation de la séquence
La séquence de CE1 proposée est une séquence de 9 séances se déroulant sur deux mois (Voir le détail de la séquence). A l’exception des séances 1 (séance de réactivation sur le mode d’emploi du boulier) et 9 (séance de réinvestissement), l’ensemble des séances suit le même canevas :
- Phase 1 : phase de réactivation des connaissances. Une série de dix calculs rapides, choisis en fonction des séances précédentes, est donnée à faire de tête et est corrigée de manière collective.
- Phase 2 : phase d’apprentissage. A l’aide du boulier chinois ou de tête, les élèves doivent résoudre des tâches du type calculer la somme (m+n) avec m et n nombres entiers tels que $10 \lt m \lt 50$ et $0 \lt n \lt 10$ . Ils sont amenés par le professeur à expliquer à l’ensemble de la classe leur procédure à l’aide d’arbres à calcul.
- Phase 3 : phase d’institutionnalisation. Une synthèse sur les procédures utilisées est faite sur une affiche par le professeur, avec l’aide des élèves. Cette synthèse débouche ensuite sur la rédaction par le professeur d’un écrit à coller dans le cahier de leçons. Pour un exemple en lien avec la séance 4 « Ajouter 8 », voir les figures 2 et 3 ci-dessous.

- Figure 2. Extrait de l’affiche de synthèse collective, séance 4.
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- Figure 3. Exemple d’écrit collé dans le cahier de leçon ; écrit de fin de séance 4.
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Lors des séances 3, 4 et 5 (ajouter 9, 8 et 7), la recherche de la somme se fait d’abord individuellement sur le boulier chinois. Puis les élèves vont proposer leur solution en utilisant le boulier chinois virtuel associé au tableau numérique interactif (noté TNI par la suite) ou le boulier magnétique (conçu avec des aimants) présent sur le tableau. L’explication des procédures aux autres élèves se fait soit en écrivant des suites d’égalités représentant toutes les étapes du calcul soit en utilisant un arbre à calcul.
Ensuite, lors des séances 6, 7 et 8 (ajouter 6, 5 et 4, 3, 2, 1), les élèves doivent d’abord résoudre la tâche mentalement, puis expliquer leur procédure au tableau soit en écrivant des suites d’égalités représentant toutes les étapes du calcul soit en utilisant un arbre à calcul et enfin, vérifier leur résultat à l’aide du boulier virtuel ou magnétique.
Ainsi, dans cette séquence, le boulier est donc d’abord utilisé comme un outil de recherche de solution. Les élèves peuvent alors éventuellement développer des procédures de calcul raisonné prenant appui sur les propriétés du boulier, notamment l’appui sur le 5 avec l’activation de quinaires et les échanges 5 (5 unaires activées) contre 1 (1 quinaire activée) ou 10 (vu comme 1+1+1+1+1+5 lorsque 5 unaires unités et 1 quinaire unité sont activées ou comme 5+5 lorsque 2 quinaires unités sont activées) contre 1(une unaire de la tige des dizaines). Il sert ensuite comme outil de validation du résultat.
2.2 Contexte de mise en œuvre et méthodologie de suivi des techniques utilisées par les élèves
La séquence a été testée en 2013-2014 dans une classe de CP-CE1 composée de 6 élèves de CP (grade 1, élèves de 6-7 ans) et de 16 élèves de CE1 et a été menée par Chloé, un professeur participant au groupe de recherche MARENE. Parmi les 16 élèves de CE1 de cette classe, 12 avaient eu Chloé comme professeur en 2012-2013 en CP et avaient déjà travaillé en mathématiques avec le boulier, notamment pour découvrir son mode de fonctionnement, lire et écrire des nombres et l’utiliser pour enrichir les différentes représentations du nombre apparaissant dans le dictionnaire des nombres de la classe.
Parmi ces 12 élèves, 6 ont été choisis en fonction de leur profil d’utilisation du boulier (Trouche 2000) pour un suivi plus approfondi de l’évolution de leurs techniques de calcul. Ce suivi s’est caractérisé par trois entretiens individuels faits par le professeur de la classe, Chloé, ou par une de ses collègues.
Les entretiens 1 et 3 sont organisés de la même manière : Chloé pose un calcul et demande à l’élève de le résoudre à l’aide du boulier et de lui expliquer sa procédure. Un nouveau calcul est ensuite donné à l’élève. Une série de dix calculs est prévue pour l’entretien 1 qui se déroule le jour de la séance 2 : 37+9 ; 30+9 ; 38+8 ; 32+7 ; 35+5 ; 37+4 ; 39+3 ; 34+3 ; 35+6 et 34+7. Cette même série est reprise lors de l’entretien 3 qui se déroule après la séance 8 pour identifier les apprentissages des élèves par le biais de l’évolution des techniques utilisées pour résoudre les calculs proposés.
L’entretien 2, qui se déroule entre la séance 8 et l’entretien 3, se fait à partir d’une série de 5 calculs à effectuer de tête (37+6 ; 34+7 ; 38+8 ; 32+7 et 33+8). Les élèves sont ensuite guidés par le professeur présent pour expliquer oralement la technique utilisée pour résoudre le calcul proposé. Le professeur note sur une feuille la réponse de l’élève, le temps mis pour donner la réponse ainsi que des éléments permettant de transcrire la technique utilisée par l’élève. Cet entretien permet de voir si les techniques utilisées par les élèves lorsque ceux-ci doivent faire les calculs de tête sont les mêmes que celles utilisées lorsque les calculs sont à faire à l’aide du boulier.
Par ailleurs, les séances 3, 5 et 6 (ajouter 9, 7 et 6) ont été filmées et retranscrites pour identifier les différentes techniques utilisées par l’ensemble des élèves de la classe.
2.3 Analyse préalable de la séquence
Dans cette séquence, les choix des nombres $m$ et $n$ avec $10 \lt m \lt 50$ et $0\lt n\lt 10$ est une variable didactique importante. En effet, en fonction des nombres choisis, lorsque $m$ est inscrit sur le boulier, l’ajout du nombre $n$ se fera plus ou moins facilement selon le nombre de quinaire ou unaires unités utilisées pour écrire $m$ en inscription économique (inscription utilisant le moins de boules possible). Pour choisir les nombres à proposer aux élèves dans chacune des séances et lors des différents entretiens, nous nous sommes appuyées sur les travaux de Balacheff et Neyret (1982).
Nous distinguons deux cas :
- Cas 1 : la somme des unités de $m$ et $n$ est inférieur à 10
Il est possible, dans ce cas, d’ajouter $n$ à $m$ sans procéder à un échange de type 10 contre 1 pour effectuer le calcul sur le boulier.
Dans ce cas 1, nous distinguons deux sous-cas comme le montre le tableau ci-dessous.
Dans le cas 1, il n’y a pas d’échange de type 10 contre 1 lors des calculs (il n’y a pas de retenues) mais il peut y avoir des échanges de type 5 contre 1 si la somme des unaires unités des écritures canoniques de $m$ et $n$ est supérieure à 5. Dans ce sous-cas, il est important de mémoriser la décomposition de $n$ utilisée (4=3+1 ci-dessus) car l’ajout de $n$ va se faire en deux étapes, interrompues par un échange de 5 unaires unités contre 1 quinaire unité. Ceci est une difficulté prévisible pour les élèves.
- Cas 2 : la somme des unités de $m$ et $n$ est supérieure à 10
Il n’est plus possible, dans ce cas, d’ajouter $n$ à $m$ sans procéder à un échange de type 10 contre 1 (présence d’une retenue) pour effectuer le calcul sur le boulier.
Dans ce cas 2, nous distinguons également deux sous-cas comme le montre le tableau ci-dessous.
Dans le cas 2, il y a des échange de type 10 contre 1 lors des calculs et il peut y avoir également des échanges de type 5 contre 1 comme dans le sous-cas 2.2. Dans ce sous-cas, il est important de mémoriser la décomposition de $n$ utilisée (7=1+(5+1) ci-dessus) car l’ajout de $n$ va se faire en deux étapes, interrompues par un échange de 5 unaires unités contre 1 quinaire unité. Ceci est une difficulté prévisible pour les élèves.
Le travail que nous venons de présenter permet de choisir les couples d’entiers $(m,n)$ lors de chacune des séances et des entretiens. Ensuite, pour chaque couple $(m,n)$ choisi, nous poursuivons l’analyse praxéologique de la tâche calculer la somme $(m+n)$ avec $m$ et $n$ nombres entiers fixés tels que $10\lt m \lt 50$ et $0 \lt n \lt 10$ en identifiant l’ensemble des techniques de résolution possibles, les technologies associées ainsi que les registres (boulier, de tête, arbre à calcul) dans lesquels ces techniques sont réalisables. Nous donnons ci-dessous un exemple en nous centrant sur les techniques et les registres afin de montrer que l’utilisation d’une même technique peut-être plus ou moins pertinente selon le registre choisi. Pour une analyse plus détaillée, se reporter à Harel (2015).
Tâche calculer la somme (34+2)
Cas 1, sous-cas 1.2 : nécessité d’un échange 5 contre 1 |
Techniques |
Registres |
Technique 1 :
32+4=30+2+3+1
=30+5+1
=36 |
Registre boulier : Pertinent
 Registre arbre à calcul : Pertinent
 Registre « de tête » :
Possible, moins pertinent que dans les registres précédents, notamment car la décomposition de 32 en 30+2 alourdit le travail de mémorisation. |
Technique 2 :
32+4=30+2+4
=30+6
=36
Élément de technologie :
utilisation du résultat mémorisé 6=2+4 |
Registre boulier : Pas possible
Pour ajouter 4, lorsque 32 est inscrit sur le boulier, il n’est pas pertinent d’utiliser cette technique
Registre arbre à calcul : Pertinent
 Registre « de tête » : Pertinent |
Technique 3 :
32+4=32+5-1
=37-1
=36
Élément de technologie :
utilisation des résultats mémorisés 4=5-1 et 7=2+5 |
Registre boulier : Pertinent
Cette technique permet d’éviter l’échange de 5 unaires unités contre 1 quinaire unité en cours de calcul (cf. technique 1)

Registre arbre à calcul : Peu pertinent Registre « de tête » : Pertinent |
D’autres techniques sont possibles... |
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