par Rafael Lobato, Sébastien Hache
Pour un professeur qui veut se lancer dans l’utilisation des TICE en Mathématiques, le logiciel Mathenpoche est un excellent vecteur : à la fois exerciseur mais aussi générateur d’exercices en géométrie dynamique, en calcul mental... ce logiciel, dans ses différentes versions et utilisations, accompagne et améliore la prise en charge, par le professeur, de l’utilisation des TICE en Mathématiques dans nombre de ses facettes.
L’objet de cet article est de décrire, sinon un cheminement standart, du moins une possible progression dans la mise en oeuvre de Mathenpoche avec les élèves.
Mathenpoche en quelques mots...
Mathenpoche est un logiciel libre et gratuit pour l’enseignement des Mathématiques au collège (avec des extensions en cours au primaire et au lycée). Initié en 2003, le projet a tourné une première page en 2007 avec la mise en ligne des 4 niveaux de collège, soit plus de 1500 exercices.
Mais Mathenpoche, ce n’est pas seulement des exercices interactifs, c’est aussi une version réseau en plein essor et qui attire un nombre croissant d’utilisateurs : lors de l’année scolaire 2006/2007, plus de 300 000 élèves de collèges ont été inscrits à cette version réseau par leurs professeurs. En Juin 2007, le site Mathenpoche a enregistré 10 000 visites par jour en moyenne.
Mathenpoche tout court...
Beaucoup de professeurs découvrent le logiciel sur Internet. Une fois sur le site, il suffit de 3 clics pour tester ses premiers exercices. Le découpage du logiciel en chapitres puis en séries est assez naturel pour un professeur de Mathématiques. Ainsi il s’y retrouve facilement. Il suffit d’avoir une connexion Internet pour profiter du logiciel, et hormis l’installation du plug in Flash (qui est souvent automatique), il n’y a rien à installer au préalable : nul besoin d’être un expert en informatique pour s’approprier le logiciel.
Par ailleurs, le nombre très important d’exercices, offrant des angles d’attaque variés sur de nombreuses notions mathématiques, permet à l’enseignant de faire un choix très précis. De cette façon, l’enseignant peut prendre dans Mathenpoche exactement ce qui lui convient. Le passage en salle informatique se fait généralement tout aussi facilement. La mise en œuvre du logiciel ne requiert pas d’installation fastidieuse. Pour qui maîtrise un peu l’outil (simplement créer un raccourci sur le bureau des postes élèves), les manœuvres à effectuer par l’élève (qui sont autant de risques de le perdre à un moment ou à un autre) se résument à leur plus simple expression. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs ne se rendent même pas compte qu’ils utilisent un outil directement en ligne. Pour l’enseignant qui craint une coupure Internet, il est assez facile (en se faisant un peu aider au besoin) de télécharger le logiciel pour une utilisation locale. Il est de toutes façons recommandé de le faire systématiquement, afin de disposer d’un recours (même si dans les faits les ennuis liés à Internet restent très marginaux).
Ainsi donc, le professeur a pu choisir les exercices tranquillement chez lui (pour peu qu’il dispose d’Internet) ou depuis tout autre poste connecté. Etant donné le très gros volume d’exercices et de situations proposées, il a pu choisir celle ou ceux qui collent parfaitement avec sa progression. Au pire, et pour les mêmes raisons, il peut même facilement s’adapter s’il ne dispose pas de la sale exactement à l’heure qu’il voulait. Il amène sa classe (peut-être pour la première fois) en salle informatique, ce qui reste toujours un exercice périlleux. La mise en œuvre est rapide. Les élèves sont immédiatement au travail et généralement assez motivés pour le faire (ce qui se vérifie, même après de très nombreuses utilisations). Ce point est capital, car il libère l’enseignant d’une gestion technique trop contraignante. Il a alors davantage d’espace et de temps pour s’occuper individuellement ou collectivement de sa classe : ce travail est important et souvent beaucoup plus fatigant que ce qui se passe dans la salle de classe. Beaucoup d’élèves essaient, se trompent, demandent, recommencent... on ressort souvent de ces séances positivement fatigué, avec l’impression que chaque élève a pu réellement travailler.
L’autre avantage d’utiliser un logiciel libre, c’est qu’on peut donner l’adresse Internet ou graver un CD pour ses élèves. Non seulement, cela permet de faire faire des Maths à des élèves qui en avaient perdu l’habitude ou le goût, mais en plus dans la continuité de ce qui se fait en classe. L’originalité de Mathenpoche, c’est aussi de fournir des exercices extrêmement proches de la pratique quotidienne de classe. La quasi totalité des situations sont en lien direct avec ce qui se fait habituellement en classe, sur un autre support, certes, mais dans une réelle continuité. C’est l’avantage d’avoir à faire à un logiciel conçu exclusivement par des enseignants en exercice, et dont l’objectif premier (et finalement assez égoïste !) est de pouvoir l’utiliser avec leurs propres élèves.
Il est à noter enfin que dans le cas d’un logiciel coopératif comme Mathenpoche, on peut envoyer directement ses remarques ou critiques, propositions... aux développeurs qui en général se montrent très réactifs à ce niveau.
Mathenpoche en réseau
Pour qui se sert régulièrement du site Mathenpoche avec ses élèves, apparaît très vite un double besoin :
– d’une part, pouvoir attribuer plus efficacement les exercices à faire, surtout si des élèves ont des parcours différents. En effet, il peut devenir fastidieux de dicter les références des exercices (dans tel chapitre puis dans tel série...) avec des risques potentiels d’erreurs de parcours chez les élèves, surtout si les séances portent sur des chapitres différents ;
– d’autre part, être capable de connaître après coup de parcours de chacun. Pour vérifier ce qui a été fait, comment ça a été fait...
Cette demande est légitime et logique : elle replace encore davantage le professeur au centre du logiciel, comme véritable chef d’orchestre. Évidemment, elle a un coût : parcours personnalisés, données nominatives... cela implique nécessairement une identification. C’est le fondement même de la version réseau de Mathenpoche. Pour pouvoir y accéder, il suffit de s’inscrire en ligne (inscription libre et gratuite) puis ensuite inscrire ses élèves (ce qui peut se faire à la volée, par la simple importation du fichier Gep du collège ou sconet).
Une fois les inscriptions terminées, le professeur peut construire ses premières séances, les personnaliser, puis récupérer ses premiers bilans.
Ce qui est finalement le plus intéressant dans cette extension de Mathenpoche, c’est que le coût humain pour s’y mettre s’inscrit dans une logique d’utilisation et se trouve très vite rentabilisé à l’usage. Autrement dit, il y a un intérêt manifeste et une progression naturelle à passer du site Mathenpoche à la version réseau de Mathenpoche.
L’association Sésamath qui diffuse le logiciel a installé l’application sur un serveur central (hébergé par le Conseil Général de Haute-Savoie) mais également sur 10 serveurs académiques et un serveur départemental. En plus de répartir les charges (qui commencent à devenir importante) cette « décentralisation » permet de créer des dynamiques locales autour du logiciel : groupe IREM, formations au PAF, ...
Les outils Mathenpoche
De nombreux exercices de Mathenpoche en géométrie font appel à des outils virtuels (règle, compas...). L’idée est venue à un développeur du logiciel (Laurent Zamo) de les rassembler dans une interface spécifique. C’est ainsi qu’est né Instrumenpoche (Iep). Cet outil est curieux et étonnant à de multiples égards.
Nativement, il fait ressortir la chronologie des constructions puisqu’il en garde la trace sous forme de dessin animé. Par exemple, il est très utile pour tous ceux qui se servent d’un vidéoprojecteur ou d’un TNI en classe. L’exerciseur Mathenpoche fait ainsi le lien avec un outil utilisable en dehors de Mathenpoche. C’est aussi un facteur de continuité et de cohérence.
Un exemple d’exercice utilisant Instrumenpoche :
Il en est de même pour la géométrie dynamique. Le module correspondant dans Mathenpoche, créé par JP Vanroyen et E. Ostenne, s’appelle Tracenpoche (Tep).
Tout comme Iep, Tep est utilisable indépendamment comme tout autre logiciel de géométrie dynamique. Mais l’une de ses particularités (car il en a bien d’autres), est son lien avec Mathenpoche, qui opère à plusieurs niveaux.
Ainsi, pour les utilisateurs du site Mathenpoche, il existe une cinquantaine d’exercices dans lesquels tracenpoche est intégré. La géométrie dynamique est alors exercisée. En voici un exemple :
C’est une façon très douce et progressive pour entrer dans l’univers de la géométrie dynamique et en apprendre le nécessaire fonctionnement.
Pour l’utilisateur de la version réseau, il est possible d’aller plus loin : créer soi-même une situation utilisant Tracenpoche, avec la possibilité de supprimer ou non des fonctionnalités et/ou de créer une figure de départ. Dans ce cas-là, il s’agit bien de la géométrie dynamique permettant de résoudre des problèmes, souvent ouverts, et pour lesquels on laisse une initiative à l’élève. Là encore, on voit bien la continuité et le pas qui est franchi.
On pourrait également citer le cas de l’outil Casenpoche (encore en développement), petit tableur incluant une bonne dose de calcul formel, mais aussi la calculatrice virtuelle (qui est actuellement l’objet de travail d’un groupe IREM de la Réunion) ou encore un petit générateur de calcul mental, paramétrable par l’enseignant (ancêtre de nouveaux outils actuellement en développement.
Voici le fonctionnement de ce générateur.
Il est essentiel de noter la logique et le cheminement. Trop souvent on pense qu’il suffit de claquer des doigts pour que tous les enseignants se mettent à faire de la géométrie dynamique. Evidemment, il faut qu’ils en voient l’intérêt, mais il faut aussi les y amener de façon cohérente et réfléchie. Passer du site à la version réseau puis aux outils est un chemin logique. S’il est encore finalement fort peu emprunté, c’est aussi et surtout parce que l’actuelle version réseau de Mathenpoche manque d’ergonomie et de simplicité.
A noter enfin, ce que les exercices ont donné aux outils, les outils vont leur rendre : si un nouveau Mathenpoche voit le jour... un jour... sa géométrie aux instruments virtuels consistera à l’inttégrer directement Iep dans les exercices comme c’est actuellement le cas pour Tep, pour un confort d’utilisation nettement amélioré.
Mathenpoche et la mutualisation
Beaucoup de regards se tournent vers la nouvelle version de Mathenpoche réseau actuellement en développement. Comme nous l’avons vu, les usages créent des besoins et des envies. Répondre aux besoins des utilisateurs est aussi une façon de les accompagner dans leur maîtrise des TICE. En particulier, les phénomènes suivants apparaissent :
– A partir du moment où on peut créer ou paramétrer des exercices dans Mep réseau (par exemple en utilisant, Tep, ou Iep... ou les deux...), il devient intéressant de pouvoir les échanger, les critiquer... de même que des séances Mathenpoche. Les versions académiques de Mathenpoche réseau offrent déjà la structure qui pourra organiser une telle mutualisation.
– La notion de Rallye ou de défi va également pouvoir se développer à l’échelon d’un établissement, d’une académie... ou même de façon transversale. C’est un élément important pour la perception des mathématiques par les élèves.
– Il serait tellement pratique de pouvoir mettre tout autre chose qu’un exercice Mathenpoche ... dans une séance de Mep réseau. Comme par exemple une page Web. Ou un autre outil comme Geogebra... Cette évolution naturelle de Mep réseau vers un Espace Numérique de Travail pour les Mathématiques est d’autant intéressante qu’elle apparaît comme un aboutissement et non comme un préalable.
En définitive, on ne sait plus bien si Mathenpoche répond aux évolutions et demandes de ses utilisateurs ou si c’est l’inverse. On ne le sait plus car l’imbrication est très forte et la réactivité tout simplement incroyable à ce niveau de complexité.