Il n’y aura pas de TICE en relation avec une pratique d’élève dans cet article. Il a été écrit à l’occasion de ce dossier « école primaire » pour rendre hommage à Dominique Valentin (voir fichier PDF en fin d’article) et à son enseignement, résolument tourné vers l’intelligence. Il s’agit de présenter, à travers une des activités qu’elle propose, une partie de sa démarche de formatrice.
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Dominique Valentin, qui nous a quittés il y a quelques mois, était une figure de la formation en mathématique et de la recherche en formation au sein de l’équipe ERMEL. Pendant 2 ans (1965-1967), elle a suivi les cours de Piaget à l’Institut Rousseau de Genève. S’orientant vers la formation des maîtres, elle a fait un DEA de didactique avec Gérard Vergnaud avant de rejoindre l’équipe ERMEL avec Roland Charnay. Enseignante à l’IUFM d’Antony, elle a proposé, pendant plus de 10 ans, des conférences et des formations un peu partout en France.
Elle a mis sa curiosité, sa tolérance, ses savoirs et son savoir-faire au service de la formation des enseignants pour transmettre l’apprentissage des mathématiques par « essai et erreur », donc par des recherches adaptées à chaque cycle et à chaque niveau. Elle visait une formation plus large et plus ouverte des enfants, tournée vers les questions de sens et capable de développer simultanément « l’esprit, la main, le coeur » , comme elle aimait le répéter.
Elle est connue des enseignants par ses ouvrages, publiés chez Hatier, et en particulier ceux de cycle 1 qu’elle a longuement expérimentés après sa retraite.
C’est par une activité de Moyenne et Grande Section tirée de « découvrir le monde avec les mathématiques » que nous aimerions rendre hommage à Dominique pour son travail, ses orientations et choix pédagogiques :
« Et si évaluer, c’était d’abord écouter les réactions des enfants, les regarder agir, prendre note des difficultés rencontrées et non »mesurer« leur niveau ? »
Parmi ses choix, on est frappé, en première lecture, par des activités riches et complexes, faisant systématiquement appel à l’intelligence au point que certains ont pu hésiter à les proposer à leurs élèves avant de les adopter, vu leur succès comparatif, après appropriation. En plus de cette richesse, un point important pour Dominique Valentin est que ces activités sont - pour l’essentiel d’entre elles - auto-validantes.
« Lorsque l’enfant est confronté à une situation auto-validante, il sait s’il a atteint le but fixé et n’a besoin d’aucune évaluation supplémentaire. L’enseignant quant à lui peut noter l’évolution des attitudes, l’acquisition de telle ou telle compétence, la disponibilité des compétences dans de nouvelles situations où elles sont utiles ».
Dans l’activité des embouteillages, la validation est faite sur une feuille de route, par l’élève lui-même, quand il a su résoudre deux fois de suite un même problème.
Apprendre par la résolution de problème
L’activité consiste à faire sortir une voiture rouge d’un embouteillage selon des règles précises. Une semaine avant les séances filmées proposées dans ce compte rendu, les élèves ont travaillé « en dirigé » sur ce jeu, de manière collective, sur un grand jeu affiché verticalement au tableau (pour que les directions soient les mêmes pour tous). L’un des deux groupe filmé, en suivant la règle de validation de deux réussites consécutives est allé - collectivement donc - jusqu’à la carte problème 12 et l’autre jusqu’à la carte problème 8. Les élèves n’ont pas rejoué au jeu avant cette séance.
Avant de distribuer les jeux individuels, l’enseignante reprend avec les enfants les règles du jeu et fait à nouveau résoudre collectivement la carte problème sur laquelle ils s’étaient arrêtés la semaine précédente.
Il y a quelques différences de mise en œuvre avec les propositions de Domnique Valentin, essentiellement parce que le matériel est différent. Mais le vocabulaire est le même (les « couloirs » pour éviter « lignes » et « colonnes » et rester dans la dévolution du jeu) et l’étayage est celui proposé dans son ouvrage (« qu’est-ce qu’il faut faire pour que la voiture rouge puisse sortir », etc.).
Voici quelques élèves du premier groupe qui résolvent les cartes-problèmes 12 à 15. On notera l’aisance d’une enfant qui résout une carte pour la seconde fois quand elle prend d’une seule main deux voitures côte à côte pour leur faire faire le même déplacement. Cela peut être une simple économie de manipulation qui contient, en acte, une simplification algorithmique. Toujours est-il que l’on constate une évolution de la procédure personnelle vers une plus grande efficacité : cette élève ne cherche pas à reproduire une seconde fois ce qu’elle a fait, elle affine sa pratique, et pour cela sa perception logique de la situation.
Les deux vidéos suivantes sont issues d’un autre groupe, qui avait atteint la carte problème 8 dans l’activité dirigée collective la semaine précédente.
La première vidéo, très courte, montre un élève qui résout pour la première fois la situation 9. On voit qu’il n’hésite pas du tout alors que c’est la première carte-problème résolue individuellement (la 8 a été refaite avant pour faciliter le passage du jeu collectif au jeu individuel).
Dans ce dernier extrait vidéo, on voit cette fois une élève qui résout la situation par adaptation des déplacements aux contraintes environnementales (topologiques) : la solution est trouvée une première fois pas à pas sans qu’il y ait nécessairement une vue d’ensemble de la stratégie utilisée. C’est en particulier pour cela que Dominique Valentin propose que la carte-problème soit résolue deux fois de suite par l’élève afin qu’une démarche stratégique puisse apparaitre la seconde fois, une éventuelle angoisse de la réussite étant évacuée.
Conclusion
Ces quelques extraits vidéos ont été présentés pour l’illustrer le travail qui peut être mené en classes maternelles sur l’appropriation du raisonnement logique à travers des situations non pas de reproduction d’algorithme (comme les activités sur les frises de perles par exemple) mais bien de recherche, avec des procédures personnelles plus ou moins élaborées, qui peuvent progresser sur l’année. Quoiqu’en pensent les concepteurs des nouveaux programmes 2008, il y a de nombreuses activités, y compris dans les petites classes, où la sollicitation de l’intelligence des enfants est autrement plus efficace que l’apprentissage à reproduire une activité formatée. Si on le souhaite - si on le souhaite - l’enseignement dans ces classes là peut faire participer activement les élèves à la construction de leurs savoir-faire, puis de leurs savoirs.
Les livres de Dominique Valentin proposent de nombreuses activités dans cette optique, toujours d’une très grande richesse, dans les domaines numérique, des grandeurs, des formes, des différents espaces de l’enfant.
Cet article est à la fois un témoignage de ces possibilités et un remerciement au travail d’exploration que Dominique Valentin a mené, avec les enseignantes, pour affiner ses propositions d’activités.
Un dernier remerciement à Caroline Pirrera, PE2 à l’IUFM de La Réunion, qui a bien voulu mettre en place cette activité au cours d’un stage, avec ce soucis supplémentaire de demander les autorisations de filmer et de diffuser dans une classe dont elle n’était pas la titulaire.
Pour aller plus loin
Le jeu original est plus complexe car il utilise un damier de 6x6. On peut y jouer en ligne, dans un superbe design, à cette adresse ...
Résumé du parcours de Dominique Valentin
Le fichier PDF