Cash Investigation, la série d’émissions de France 2 alterne entre le meilleur et le pire. Incontestablement, l’émission consacrée à l’IA fait partie de ses excellentes productions et devrait figurer dans les favoris, avec dès maintenant, une réflexion sur ses possibles usages pédagogiques.
Voici la présentation de l’émission sur son site.
L’intelligence artificielle s’immisce dans notre quotidien et se substitue de plus en plus aux humains. Quelles conséquences pour le monde du travail et pour les citoyens ?
En France, l’intelligence artificielle est en train de bouleverser notre quotidien. Des salariés français ont déjà été licenciés parce que l’IA les avait remplacés. Dans les services de ressources humaines, elle se substitue aux recruteurs et promet de prendre de meilleures décisions que les humains.
- Mon DRH est une intelligence artificielle (début à 9’)
Cash Investigation a enquêté sur les startups qui vendent aux grandes entreprises ces nouvelles solutions technologiques, censées recruter, évaluer et même surveiller les salariés.
Bien souvent, les employés ignorent que cette intelligence artificielle ne va pas seulement analyser leurs compétences, mais aussi leurs émotions. Le passage sur la Banque Postale est de ce point de vue saisissant ! Une pratique pourtant interdite par le règlement européen, l’IA Act.
- L’État français dans la course à l’IA (début à 45’)
L’État et ses services publics se sont également lancés dans la course à l’IA. De plus en plus d’administrations y ont recours, à commencer par le fisc, qui se sert de l’intelligence artificielle pour traquer les fraudeurs. Dorénavant l’IA est à l’origine de 45% des contrôles chez les particuliers et de 50% dans les entreprises. Sauf que cette technologie oriente les contrôleurs du fisc vers les fraudes les plus basiques, plutôt que vers des fraudes de grande ampleur, plus complexes. Élise Lucet est allée interviewer (à visage découvert) les services fiscaux à ce propos.
« Cash Investigation » révèle également comment l’État subventionne les projets d’intelligence artificielle dans les administrations à la condition qu’elles s’engagent à supprimer des milliers de postes de fonctionnaires.
- Des « travailleurs du clic » payés 60 euros par mois (spécial Madagascar, début à 1h 30’)
Mais pour que toutes ces intelligences artificielles fonctionnent, il faut des humains pour les entraîner. De nombreuses entreprises françaises se sont installées à Madagascar, le cinquième pays le plus pauvre au monde. Là-bas, ils profitent de « travailleurs du clic » payés 60 euros par mois, pour entraîner leurs modèles d’intelligence artificielle. Ces sociétés n’hésitent pas, ensuite, à facturer leurs prestations 20 fois plus cher à de grandes marques françaises.
Bien sûr, ces pratiques douteuses, parfois à la limite de la légalité, ont besoin du secret. Pour l’ensemble des enquêtes de l’émission, la production a dû créer des startups pour avoir accès, en tant que cliente, à ces façons de faire particulièrement opaques.
- LE GRAND DÉBAT (début à 1h 52’)
Après ce numéro inédit de « Cash Investigation », le magazine propose un grand débat. Des invités de tous horizons, acteurs du secteur, responsables politiques, experts, répondent aux questions d’Élise Lucet.
Première bonne surprise, un plateau de haut vol, maitrisant les questions abordées. Un plateau où on parle à toute vitesse, craignant sans doute d’être interrompu (ce n’est jamais le cas), avec la surprise que le débat ne dégénère pas en pugilat inaudible. Une exception à mettre au crédit de l’émission...
- Cédric Villani défend l’idée que la question de l’IA est avant tout de nature politique et doit être abordée comme telle. Ses interventions sont remarquablement pertinentes tout au long de l’émission. Il souligne en particulier que l’IA est actuellement un frein à ...la transition écologique. Mais comment une IA jugerait-elle ses mimiques et ses mouvements de mains 😛 ?
- Jean-Emmanuel Bibault, praticien hospitalier, chercheur et spécialiste de l’IA dans son domaine, insiste sur les évidents progrès apportés dès aujourd’hui dans les soins aux malades. Et demain sans doute plus encore, par une médecine préventive rendue possible par l’analyse de données avancées. Mais il ne cache pas, lui aussi, les problèmes posés par la confidentialité des données de santé, dont on sait la sensibilité.
- Bastien Le Querrec, juriste de la « Quadrature du Net » est particulièrement bien informé et souligne des aspects de la confidentialité des données souvent tus, voire cachés à dessein. Il insiste sur l’environnement fortement capitalistique des entreprises d’IA, qui corrompt bien souvent les vertueuses intentions affichées publiquement.
- Thomas Dauthieu (CNIL) met en évidence l’importance de l’encadrement juridique de l’IA, et particulièrement de l’IA Act, mis en œuvre par l’UE.
- Charles Terrey, un très jeune agriculteur, souligne les bénéfices que son activité tire d’ores et déjà de l’usage des IA. Mais il déplore que nombre de ses collègues plus âgés n’y aient qu’un faible accès. Et que l’usage de l’IA, même éclairé, crée lui aussi de nouvelles dépendances.
- Les interventions de Clara Chappaz, la ministre de l’IA, sont davantage convenues. Si une IA devait analyser ses changements de physionomie au moment où elle passe en gros plan (et où elle s’en aperçoit), cette IA douterait sans doute de sa sincérité 😳...
Un débat instructif d’une bonne tenue, avec des points de vue contrastés, mais complémentaires, l’essentiel y est abordé, avec une rare écoute des participants qui s’y expriment.