Contrairement aux idées reçues, les intelligences artificielles ne fonctionnent pas toutes seules : une armada de travailleurs invisibles et précaires doit les alimenter en données par des tâches répétitives et ingrates. Les IA qui ont bluffé en ce moment, tels que ChatGPT ou Midjourney, ont besoin de milliards d’exemples pour fonctionner comme ils le font en ce moment pour générer respectivement des textes et des images. Ce travail de fourmi est nécessaire aussi bien pour les logiciels de reconnaissance des textes et des produits que pour la modération de contenus sur les réseaux sociaux. Cette sous-traitance de l’IA est prosaïquement nommée “annotation des données”. Les données doivent être “annotées” accompagnées de commentaires pour que la machine reproduise les catégories d’analyse de l’humain. Et ces entraînements ne s’arrêtent jamais.
Pour optimiser les coûts, ces tâches sont déléguées à des travailleurs de pays pauvres suivant des logiques linguistiques et culturelles héritées de la colonisation. De leur côté, les États des Suds concernés -de Madagascar à l’Inde en passant par le Kenya- mettent en place des politiques publiques pour inciter les entreprises du numérique à recourir à leurs services. Sous-payés, exposés à des images ultra-violentes et en position de faiblesse vis-à-vis de leurs employeurs, ces “damnés du clic”, souvent jeunes et diplômés, s’engouffrent malgré tout dans cette nouvelle filière.
Comment l’intelligence humaine permet-elle de nourrir l’IA ? Où les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) mais aussi les petites sociétés spécialisées dans l’IA ont-elles choisi de s’implanter pour solliciter une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci ? Comment les Etats des Suds accueillent-ils le développement de ce secteur d’activité ? Et quelles stratégies les travailleurs élaborent-ils pour faire de ces emplois peu qualifiés et sous-payés dans le secteur de l’IA un tremplin pour un avenir meilleur mais aussi faire valoir leurs droits ?
C’est une émission « Cultures Monde » sur France Culture.
