C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de Guy Brousseau, ce jeudi 15 février 2024. Il venait d’avoir 91 ans. 

Ses obsèques civiles auront lieu vendredi prochain 23 février à 9h au crématorium de Mérignac.

 Guy Brousseau est un des fondateurs de l’École Française de Recherche en Didactique des mathématiques. Il a développé dans les années 70 et 80 la Théorie des Situations Didactiques, qui nourrit de nombreux travaux de recherche en Didactique des mathématiques en France et dans l’espace mathématique francophone, ainsi que de dans nombreux pays des cinq continents. Ses travaux ont été développés en lien étroit avec les IREM, notamment dans le cadre du COREM, une structure permettant l’accueil et l’observation des classes de l’école primaire Michelet à Talence. 

Guy Brousseau a été le premier récipiendaire de la médaille Felix Klein crée par l’ICMI en 2013. Cette médaille récompense la contribution essentielle que Guy Brousseau a apportée au développement de la Didactique des mathématiques comme champ de recherche scientifique, à travers les travaux théoriques et expérimentaux qu’il a menés dans ce domaine pendant une quarantaine d’années. Elle récompense aussi les efforts permanents qu’il a déployés tout au long de sa carrière pour que ces recherches contribuent à l’amélioration de la formation mathématique des élèves et des enseignants, de la maternelle à l’université.

L’héritage que Guy Brousseau nous laisse n’est pas près de disparaître, tout comme les souvenirs de discussions passionnées qu’il laisse à tous ceux qui ont eu la chance de le connaître.

La CFEM va réfléchir avec ses composantes aux modalités pour lui rendre un hommage dans les semaines ou les mois à venir.

Viviane Durand-Guerrier
Présidente de la CFEM

In Memoriam(par Jean-Luc Dorier)

Guy Brousseau est le créateur de la Théorie des situations, une des pierres angulaires de la fondation dans les années 1970 de la didactique des mathématiques en France, et dont le rayonnement dépasse les frontières nationales et aussi disciplinaires, tant certains des concepts de cette théorie sont désormais utilisés de façon universelle en sciences de l’éducation.

Guy Brousseau et son épouse Nadine ont commencé leur carrière comme instituteur et institutrice de village dans la région de Bordeaux. L’avènement des mathématiques modernes à la fin des années 1960 conduira Guy à étudier de plus près la question de l’enseignement des mathématiques. Par l’entremise de Lucienne Félix, une ex-assistante du mathématicien Henri Lebesgue. Guy Brousseau est impliqué dans une des premières réunions de la Commission internationale pour l’étude et l’amélioration de l’enseignement des mathématiques (CIEAEM) à Founex-Coppet dans le Canton de Vaud, où il rencontre Piaget pour la première fois (pour plus de détails, voir l’article et lavidéo sur « L’héritage de Piaget en didactique des mathématiques »).

Lucienne Félix lui fait également rencontrer André Lichnerowicz, qui jouera un rôle décisif dans sa carrière universitaire avec Jean Colmez. Brousseau comprend alors qu’enseigner et apprendre les mathématiques n’est pas affaire d’un discours bien construit, mais nécessite de véritables recherches ancrées dans l’épistémologie pour mieux comprendre la nature des savoirs en jeu, les conditions nécessaires pour faire rencontrer à l’élève le milieu adéquat, et la situation qui lui permettront, pour dépasser ces difficultés, de construire l’éventail des connaissances qui forment les diverses facettes d’un savoir. C’est le fondement de la notion de « situation ».

Dans la mouvance de la création des Instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques (IREM), il fonde en 1973 le Centre d’observation et de recherche sur l’enseignement des mathématiques (COREM), adossé à l’école Michelet (à Talence, près de Bordeaux) que dirige Nadine et où les enseignant-es étaient déchargé-es de 30% de leur temps d’enseignement pour participer aux recherches, grâce à un contrat avec l’État. Dans ce contexte au plus proche des expérimentations et de l’observation du terrain, Guy, aidé de Nadine et de toute l’équipe des enseignant-es et des animateurs et animatrices de l’IREM de Bordeaux, va construire pierre par pierre tout son édifice théorique. Grâce à la diffusion des brochures de l’IREM, aux séminaires nationaux et aux Écoles d’été de recherche en didactique des mathématiques, ses travaux vont être diffusés, critiqués, réinvestis dans toute la France et rapidement au-delà (surtout en Espagne et en Italie, mais aussi en Amérique Latine), ainsi que dans les didactiques d’autres disciplines et en sciences de l’éducation.

Sa renommée internationale lui a valu d’obtenir plusieurs fois le titre de Docteur Honoris Causa des Universités de Montréal (Canada, 1997), de Genève (Suisse, 2004), de Cordoba (Argentina, 2006), de Chypre (Chypre, 2007) et de Palermo (Italia), 2007).

En 2003, il a reçu le premier Prix Felix Klein de la Commission internationale de l’enseignement mathématique (International Commission on Mathematical Instruction -ICMI).

À ce titre, on pourra trouver des informations dans l’unité qui lui est consacrée dans le projet ICMI Awardees Multimedia Online Resources (ICMI AMOR) qui est sera totalement complète sous peu. Par ailleurs, la plupart de ses textes sont en ligne sur un site qui lui est dédié.

L’héritage de Guy Brousseau n’est pas près de disparaître, pas plus que les souvenirs qu’il laisse dans le cœur de beaucoup. Comme son alter ego Gérard Vergnaud (né à quelques jours d’intervalle et qui nous a quittés en juin 2021, quelques jours avant Nadine Brousseau), tous deux étaient issus d’un milieu modeste, des penseurs et innovateurs de génie qui ont pu bénéficier de l’ascenseur social que procurait encore l’École de la République de l’époque !

Nous adressons toutes nos pensées à sa famille et à ses proches.