Que devient la parole lorsqu’elle cesse d’être humaine ? Que penser de notre situation technologique et métaphysique, politique et poétique, dans un monde où nous n’avons plus le monopole de l’expression linguistique ?
Étienne Klein s’entretient avec Alexei Grinbaum, physicien, auteur de Parole de machines (Humensciences, 2023) Philosophe de la physique, chercheur au LARSIM/CEA.
Les « machines parlantes » et autres « agents conversationnels » participent à l’avènement de ce qu’on pourrait appeler une informatique « affective », voire « humanoïde ». Mais que devient la parole lorsqu’elle cesse ainsi d’être humaine ? Lorsque des intelligences artificielles qui ne comprennent rien au sens des mots donnent de la voix, prennent la parole (parfois nous la prennent) et, comme enivrées d’elles-mêmes, s’adressent à nous en disant « je » ? Ne deviennent-elles pas alors l’équivalent technologique de ce qu’étaient autrefois les dieux, les oracles, les anges et les démons ? Et, réciproquement, lorsque des humains usent d’« éléments de langage » prévisibles et formatés, n’est-ce pas leur propre verbiage qui, par quelque effet de contagion, aurait été robotisé ?