Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Thalès de Milet et Ératosthène revisités par l’astronomie
Article mis en ligne le 13 février 2015
dernière modification le 25 octobre 2019

par David Crespil

À Christian Dumoulin pour ses ouvrages de la belle collection intitulée « questions d’astronomie »

Autres articles de David Crespil dans MathémaTICE

Thalès de Milet

Introduction

La méthode de Thalès permettant de mesurer la hauteur de la pyramide de Khéops est connue et pour ceux qui aimeraient en revoir le fondement, on pourra consulter l’excellent site produit par le collège belle de mai.

Le but de cet article est de déterminer les jours de l’année ou Thalès a pu effectuer sa mesure et nous verrons ainsi que seulement deux jours de l’année peuvent convenir si l’on se réfère à la légende (l’ombre portée est égale à sa taille).
Si l’on ne tient pas compte de la légende, seule une période d’environ 4 mois convient.

Le N°41 - septembre 2014 de MathemaTICE permettra au lecteur de revoir ou d’apprendre les notions de déclinaison et de hauteur d’un astre ainsi que la notion de latitude.

Précisons que Khéops est environ à 30° de latitude nord.

La pyramide est orientée Nord-Sud selon la méridienne représentée sur le Schéma 1.

Nous utiliserons la notion élémentaire de déclinaison du Soleil et les éphémérides produits par l’institut de mécanique céleste ainsi que la formule de la latitude méridienne dont les démonstrations élémentaires resteront à la charge du lecteur.

La formule de la latitude méridienne permettait de déterminer sa latitude en pleine mer grâce à la connaissance des éphémérides donnant la déclinaison du Soleil et au sextant permettant de déterminer la hauteur du Soleil.

Dans le vif du sujet

Schéma 1

La hauteur du Soleil est l’angle $\widehat{SPO}$ sur le schéma 1.
Ainsi sur ce schéma, la hauteur du Soleil est de 51°.
Voir l’animation sur le site produit par le collège belle de mai.

Il arrive un moment où les rayons du Soleil deviennent rasants et c’est cette situation que nous allons examiner.

On pourra constater avec le fichier actif cabri 3D que l’angle $\widehat{SPO}$ augmente lorsque le point P se déplace sur la méridienne jusqu’au point J.

Exercice  : Calculer l’angle $\widehat{SJO}$ du schéma1, en se servant des données suivantes :

  • Hauteur de la pyramide : 148,194m
  • Base carrée de la pyramide 232,8 m

Réponse : $\text{Arctan} \left ( \frac{148,194}{116,4} \right )= 51,85^{\circ}\approx 52^{\circ}$

La période de l’année où Thalès a effectué sa mesure.

Voir le paragraphe 3 de mon article Nocturlabe et précession des équinoxes.

Nous utiliserons les formules de la latitude méridienne laissées au soin du lecteur (les démonstrations relèvent de la géométrie élémentaire).

Dans les formules suivantes, déclinaison et latitude sont algébriques.

  • l’une pour l’hémisphère nord : $\varphi=90^{\circ}-h+\delta\quad\quad\quad (1)$
  • l’autre pour l’hémisphère sud : $\varphi=-(90^{\circ}-h)+\delta\quad\quad\quad (2)$

Kheops est dans l’hémisphère nord donc on a : $\delta=\varphi-90^{\circ}+h$

La latitude de Kheops est d’environ 30°, nous avons vu que la hauteur maximale du Soleil est 52° et donc $\delta \leqslant -8^{\circ}$

La consultation des éphémérides du Soleil sur le site de l’IMCCE permet alors d’avoir les déclinaisons du Soleil en l’an -600.

Choisir le Soleil et dans la rubrique « théories planétaires » le modèle D06/LE 406 du fait de la période envisagée.
Puis renseigner l’année (-600) le mois (janvier) et 1 pour le jour et demander 400 dates.

La conclusion est que Thalès a effectué sa mesure environ entre le 13 septembre et le 29 janvier de l’an -600 soit environ un intervalle de 4 mois et demi ou la mesure a été possible.

Le site des éphémérides



Voici alors comment apparaissent les résultats.
Seules les colonnes entourées nous intéressent.

La légende dit que Thalès de Millet aurait procédé en attendant que l’ombre portée soit égale à sa taille.

Exercice : Déterminer les 2 jours de l’année où c’est possible.
On pensera à utiliser la relation $\varphi=90^{\circ}-h+\delta$

Réponse : entre le 10 et le 11 janvier et entre le 3 et le 4 octobre
Donc si l’on fait foi à cette légende, Thalès n’a eu que deux opportunités pour faire sa mesure.

Ératosthène

Ératosthène est un astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du IIIe siècle avant notre ère (né à Cyrène, aujourd’hui Chahat en Libye, v. -276 ; mort à Alexandrie, Égypte, v. -194).

Introduction

Ce travail est redevable au très beau livre de Christian Dumoulin « Questions d’astronomie tome 3 » qui a bien voulu que j’en reproduise quelques extraits avec quelques aménagements et que je remercie vivement.

Nous nous proposons de voir comment Ératosthène peut être revisité par la trigonométrie sphérique lorsque les points de la Terre d’où l’on fait les observations ne sont pas sur un même méridien.

L’étoile polaire est à 48‘ du pôle et de ce fait on peut considérer dans ce qui va suivre qu’elle est confondue avec le pole céleste nord céleste.
Regardons d’ailleurs ce que veut dire « près » avec le logiciel Stellarium :

Le point rose au centre du cercle désigné par la flèche est le pôle nord céleste alors que le point blanc représente l’étoile polaire.

Dans le vif du sujet

Considérons alors le schéma suivant :

La connaissance de thêta et de la distance O1O2 permettra de déterminer la longueur de la circonférence terrestre.

Nous allons par la trigonométrie sphérique calculer thêta en faisant l’hypothèse que la différence de longitude entre O1 et O2 n’est pas trop importante en un sens que les calculs feront apparaître.

Pour une étoile dont la hauteur est h on appelle distance zénithale 90°- h.

Posons a1= 90°- φ1 et a2 = 90°- φ2 φ1= latitude de O1 φ2= latitude de O2

Compte tenu de ce que nous faisons l’approximation légitime de considérer l’étoile polaire sur l’axe du monde, a1 et a2 sont approximativement égales aux distances zénithales de l’étoile polaire par rapport à O1 et O2 respectivement.

Posons ω1=longitude de O1 et ω2=longitude de O2

On a dans le triangle sphérique NO1O2 :
Cosθ = sinφ1sinφ2 + cosφ1cosφ2cos (ω2 - ω1)

Or cos (ω2 - ω1) = 1 - 2 sin2 $\left (\frac{\omega _{2} - \omega _{1}}{2} \right )$

Donc |cosθ - cos⁡(φ2 - φ1)| ≤ 2 sin2 $\left (\frac{\omega _{2} - \omega _{1}}{2} \right )$

D’ou |cosθ - cos⁡(φ2 - φ1)| ≤ 2 $\left (\frac{\omega _{2} - \omega _{1}}{2} \right )^{2}$ puisque sin ≈ x avec x en radians.

Dans le cas Ératosthène la différence de longitude entre Syène et Alexandrie et d’environ 3° soit 0, 052 radians.

D’où |cosθ - cos⁡(φ2 - φ1)| ≤ 0,00137 (1)

Nous avons précédemment (onglet Érathostène) vu la formule de la latitude méridienne dans l’hémisphère nord :
$\varphi = 90^{\circ}-h+\delta$ $\delta$ désignant la déclinaison du Soleil lors de son passage au méridien.

Lors du passage du Soleil en O1 : $\varphi_{1}=90^{\circ} - h_{1}+\delta_{1}$ (2)
Lors du passage do Soleil en O2 : $\varphi_{2}=90^{\circ} - h_{2}+\delta_{2}$ (3)

Le Soleil met environ 30 minutes pour passer du méridien de Syène (Assouan) au méridien d’Alexandrie. La déclinaison du Soleil d’après les éphémérides du Soleil n’a varié que d’une minute environ, ce qui justifie que les déclinaisons soient approximativement égales.

Cette déclinaison a une amplitude environ de 24’ aux équinoxes et environ de 12 secondes d’arc aux solstices. On voit donc que l’on peut considérer cette déclinaison quasi constante aux solstices.

En effet le Soleil met approximativement 24 h pour parcourir en apparence 360° donc pour une différence de longitude de 7° environ, il mettra environ 28 min.

(1) permet donc d’écrire : cosθ ≈ cos⁡(φ2 - φ1) (4) D’où θ ≈ φ2 - φ1

(2) et (3) donnent : φ2 - φ1= (90°- h2) - (90°- h1)= différence des distances zénithales.

Si l’on décide d’espacer les mesures on dans ce cas : φ2 - φ1 = (90°- h2) - (90°- h1) + $\delta_{2} - \delta_{1}$

Et dans ce cas les déclinaisons sont lues dans les éphémérides du Soleil.

  • Distance zénithale pour Alexandrie : z1 = 58 ,8°
  • Distance zénithale pour Syène : z2 = 65,92°

On a : z2 - z1 = 7,12° d’ou θ ≈ 7,12°
Par ailleurs la distance Assouan /Alexandrie=787,5 km

Ce qui donne pour la longueur de la circonférence terrestre 39 817 km, valeur voisine de la valeur moyenne de la circonférence terrestre soit 40 000 km.