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Fête des maths et Pi week dans une classe de CM2 : une approche festive des maths à l’école

La semaine des maths et le Pi day, transformé en « Pi week », ont été l’occasion de proposer aux élèves dix jours d’activités ludiques qu’ils ont vécus comme une longue fête des mathématiques.

Article mis en ligne le 5 avril 2023
dernière modification le 3 avril 2023

par Sarah Leleu

Puisque le but annoncé de la semaine des mathématiques est de donner « à tous les élèves, ainsi qu’à leurs parents, une image actuelle, vivante et attractive des mathématiques », tant vaut la transformer en une véritable fête. La nôtre cette année a été prolongée d’une « Pi week » pour s’étendre au total sur deux semaines, au grand plaisir des élèves, ravis de cette rupture ludique dans leur quotidien, autant qu’ils étaient fiers de leurs réalisations.

Introduction

Depuis 2012, la semaine des mathématiques est inscrite à la liste des actions éducatives du Bulletin Officiel. Selon Éduscol, l’objectif de cette action est de donner « à tous les élèves, ainsi qu’à leurs parents, une image actuelle, vivante et attractive des mathématiques ». Autant dire que vu l’image que les Français ont des mathématiques à l’école, ce n’est pas une mince affaire, ni pour les parents, ni pour leurs enfants. Quant aux enseignants de l’école primaire, dont je suis, essentiellement issus de formations littéraires, il faut d’abord qu’ils en soient eux-mêmes convaincus. J’ai déjà abordé cette question douloureuse du traumatisme mathématique à diverses reprises : dans une lettre à mes profs de maths, dans un article sur les troubles et l’anxiété mathématiques entre autres. J’ai aussi raconté ma petite revanche en la matière, et mon approche pédagogique que je souhaite « actuelle, vivante et attractive » autant que possible, notamment à travers la pratique de la géométrie.

La semaine des maths s’est donc muée dans ma classe en « Fête des maths » qui a généralement lieu début mars. Cet événement s’enchaîne donc inévitablement avec « Pi day », le 14 mars de chaque année… journée qui, il faut le dire, est bien trop courte. Au point qu’à la semaine des maths succède désormais dans mon calendrier « Pi week » : deux semaines, donc, quasiment exclusivement consacrées aux mathématiques.

Oh, on imagine déjà l’enthousiasme non dissimulé des enfants à l’énoncé du programme !

C’est qu’il faut quelque ruse pédagogique et quelque talent de comédienne, je l’avoue bien volontiers, pour en faire un événement joyeux, amusant, et envié par toute l’école… Le programme a d’ailleurs été annoncé avec un teasing digne du dernier Star Wars pour allécher tout ce petit monde.

L’ambition étant de mettre en évidence « la richesse des liens que les mathématiques entretiennent avec d’autres disciplines », j’ai donc construit mes séances autour de l’interdisciplinarité, ce qui a permis, tout en ne proposant que des mathématiques, de faire aussi tout autre chose : lecture, géographie, arts visuels par exemple. Je n’ai pas oublié le mot d’ordre d’Éduscol : « plaisir de faire des mathématiques » et, tenez-vous bien… « faire éclore une véritable culture scientifique ». Rien que ça.

1— La semaine des maths

Chaque année, la semaine s’articule autour d’un thème commun. Pour la version 2023, il s’agissait des « mathématiques à la carte ».

J’ai organisé les activités de cette semaine selon deux modalités : des séances d’apprentissage guidées le matin, et des ateliers plus autonomes chaque après-midi. La semaine se terminant par une rencontre avec les élèves du collège voisin dans le cadre de la liaison CM2-6e, autour d’un tournoi de calcul mental « Mathador ». Le programme détaillé et les objectifs pédagogiques sont joints en document d’accompagnement.


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Pour rester dans le thème « à la carte », deux activités : une activité de cartographie et une activité cuisine. L’annonce d’activités de manipulation inhabituelles ou en extérieur, la perspective de faire un gâteau, ainsi que les jeux mathématiques annoncés ont eu l’effet escompté : croyez-le ou non, à l’ovation des élèves, on aurait cru l’annonce d’une sortie à Disneyland.

• Les spirolatères géants

Plus tôt dans l’année, nous avions travaillé l’algorithme du spirolatère en le reproduisant avec des allumettes, en liaison avec la notion de perpendicularité.

Il s’agissait cette fois de reproduire l’algorithme en grand format dans la cour, en utilisant du matériel surdimensionné : un travail d’équipe pour prendre les mesures, déterminer les angles et tracer les segments de la bonne longueur.

Le résultat a émerveillé les enfants qui se sont empressés de jouer avec à la récré : cela ressemblait bien à une petite démonstration de « mathématiques vivantes et attractives ».

• Le projet vitrail

La géométrie a fait l’objet d’une séquence sur la semaine. Il s’agissait de réaliser des vitraux pour décorer les grandes baies vitrées de notre hall d’escalier, un travail interdisciplinaire entre mathématiques et arts visuels.

Tout d’abord, il a fallu tracer le motif géométrique :

Mes élèves ont l’habitude de reproduire des figures complexes. Celle-ci était assez facile : nous avons observé sa composition, puis verbalisé des hypothèses de construction, et enfin, les enfants se sont mis à l’œuvre.

Les figures réalisées allaient servir de support pour créer les différentes pièces du vitrail, mais pas seulement : les enfants les ont aussi coloriées pour qu’elles soient exposées en parallèle.

Sur du papier vitrail, les enfants ont décalqué leur figure, puis découpé chaque partie pour constituer les pièces du vitrail. Nous avons mis en commun les éléments ainsi obtenus, puis nous les avons mélangés pour élaborer des compositions multicolores.

Le tout a été assemblé en utilisant des bandelettes de papier noir pour finir de reconstituer la figure.

L’œuvre collective a été exposée comme prévu sur les fenêtres, suscitant l’admiration de tous à chaque passage dans les escaliers, et la fierté d’avoir réalisé un travail minutieux et difficile.

• La mesure du terrain de sport

Le marquage au sol du terrain de sport dans la cour de récréation a été l’occasion de se livrer à une activité de mesures grandeur nature. Pour ce faire, nous avons utilisé différents instruments : le mètre du tableau, le mètre ruban, le mètre de bricolage, le mètre d’arpenteur, le décamètre. Ce sont des instruments de mesure qui permettent de visualiser des longueurs plus grandes que la règle utilisée en classe.

La consigne donnée était de mesurer les dimensions du terrain de sport et d’en garder une trace écrite : réaliser un dessin à main levée du terrain et y noter les mesures relevées. Pour la suite de la séquence, nous devions vérifier les mesures des enfants en utilisant les plans de géoportail, puis choisir une échelle afin de reproduire le plan du terrain de sport sur papier.
Suivraient la rédaction du programme de construction nécessaire à la réalisation de la figure et sa transmission à l’autre classe de CM2 de l’école, qui ne saurait pas à l’avance, de quoi il s’agit.

• En lien avec la géographie et l’EPS : lecture de carte

Pour jouer la carte de l’interdisciplinarité, j’ai croisé maths, EPS et géographie. En début d’année scolaire, j’avais mené en EPS une séquence sur la course d’orientation. Au programme : lecture de carte, repérage dans l’espace, déplacements sur le terrain. Les enfants sont donc familiarisés avec le support que je leur propose : la carte du parc voisin de l’école.

Il s’agit cette fois-ci de préparer le parcours de la course qui aura lieu dans les semaines qui viennent : le cross des écoles de la commune. J’indique aux élèves l’itinéraire du parcours que je projette au tableau et qu’ils doivent reproduire sur leur carte. Ils doivent ensuite mesurer la longueur de ce parcours. Seulement voilà : celui-ci n’est pas rectiligne, et la règle ne permet pas de le faire. Nous découvrons alors un nouvel instrument : le curvimètre. Le curvimètre permet de mesurer la longueur de lignes courbes. C’est un outil inhabituel, qui demande une manipulation précise : les enfants s’y exercent avec curiosité et application.

Ensuite, les élèves utilisent l’échelle indiquée sur la carte pour calculer la longueur réelle du parcours sur lequel ils devront courir.

• L’atelier cuisine : mesures, fractions et proportionnalité

Le moment le plus attendu sans doute était l’atelier pâtisserie — habilement gardé pour la fin.
Il s’agissait de réaliser la recette du quatre quarts. Cette activité permettrait de faire des maths, mais aussi de la lecture, puis de la rédaction.

À partir de la recette de base du quatre-quarts, que nous avons expliquée, il a fallu réfléchir pour trouver combien de gâteaux il fallait faire pour toute la classe, et estimer les quantités d’ingrédients à prévoir.
Les enfants avaient apporté différents instruments de mesure : la balance à aiguilles, la balance à affichage digital, des verres doseurs avec différents types de graduations, que nous n’avons pas manqué d’observer, et bien sûr l’antique balance Roberval de l’école avec ses poids.

Il a fallu mesurer les quantités d’ingrédients pour chaque gâteau avec tous ces instruments, et une fois le résultat sorti du four, le découper en parts (à peu près) égales, ce qui nous a permis de visualiser les fractions et d’achever joyeusement cette riche semaine mathématique autour d’un goûter.

• Les ateliers de l’après-midi

L’après-midi, j’ai offert aux enfants des ateliers de manipulation en autonomie : des défis Rubik’s cube, des ateliers de dessins sur le sable et de tressage de scoubidous pour réfléchir sur les algorithmes, de la manipulation sur géoplans ainsi que des jeux mathématiques : « shut the box », tangram et pentaminos.

2— Pi week

La semaine qui suit la « semaine des maths » s’organise autour de « Pi Day », pour devenir une « Pi Week » et prolonger un peu la fête autour des mathématiques.

De près ou de loin, j’ai essayé de tourner autour du cercle avec mes élèves.

• La poétique du cercle

Nous avons appris le poème de Paul Fort « La ronde autour du monde » , puis nous avons poursuivi notre expérience poétique autour du difficile exercice des Pi poems et des calligrammes.

• La chasse aux cercles

Comme je me tue à dire à mes élèves que la géométrie est partout, nous nous sommes lancés dans une nouvelle démonstration très concrète : les enfants se sont mis à la recherche de tous les cercles qu’ils pouvaient trouver autour d’eux.

La mission ne s’arrêtait pas là : il fallait mesurer le périmètre de chaque cercle avec le mètre ruban.

Les enfants ont également découvert l’utilisation du pied à coulisse pour mesurer les diamètres.

Il était temps de découvrir Pi et la formule du périmètre du cercle en divisant la mesure du contour par le diamètre. Et là : oh miracle, au centième près, nous avons vu apparaître au tableau et en croisant tous nos calculs une valeur approchée de pi. Éblouissement et admiration générale. Manipulation de la formule, à l’envers, à l’endroit : ça marche.

Nous avons reproduit l’expérience à partir du tracé d’un cercle, dont nous avons mesuré le périmètre au curvimètre et vérifié nos résultats en manipulant la formule. Nous avons ainsi découvert que nos curvimètres n’étaient pas très précis : une erreur de 5cm tous les 30cm. Conclusion : Pi nous a permis de découvrir que la maîtresse s’est fait avoir.

• Les Crop Circles

En anglais, nous avons découvert le travail extraordinaire du poisson-globe sur le sable. J’ai ensuite
lancé le défi aux enfants : sauraient-ils en faire autant ? Peut-on tracer des cercles sans compas ?

Les enfants ont expérimenté sur le sable différentes techniques et produit de jolis résultats :

Nous avons poursuivi le défi en extérieur : les cercles de ce tout petit poisson sont tout à fait gigantesques… saurons-nous en faire autant ? Est-il possible de tracer des rosaces géantes dans la cour, sans instrument « géométrique » ?

Équipés de craies et de ficelles, les enfants ont travaillé en équipe dans la cour. Communication essentielle, verbalisation indispensable, harmonisation de la réflexion et coordination des gestes obligatoires. En une séance, de jolies rosaces ont fleuri sur le goudron de la cour de récré, suscitant à la sonnerie suivante l’émerveillement de tous les enfants : le printemps, avec quelques jours d’avance !

• De l’art !

Notre dernière approche, pour finir la semaine, fut plus artistique. Une séance d’histoire des arts autour des cercles : des mandalas hindous aux vitraux de Notre-Dame de Paris, de Delaunay à Vasarely a précédé une séance d’arts plastiques. Les transparents de la séance « Autour du cercle » sont joints en document d’accompagnement.

La technique a été laissée au libre choix des enfants, la consigne étant simplement de travailler autour du cercle.

Conclusion de ces deux semaines de travail

Je dois être tout à fait honnête : si quand j’avais dix ans, on m’avait annoncé que pendant deux semaines je n’allais faire que des mathématiques, il y a fort à parier que j’aurais eu envie de pleurer et qu’une vague de désespoir m’aurait envahie. Malgré toute la confiance que j’ai pu leur inspirer jusqu’alors, j’ai lu sur le visage de mes deux élèves dyscalculiques un moment d’angoisse et de doute profond sur la santé mentale de leur maîtresse. Il faut croire que j’ai d’assez bons talents de comédienne et suffisamment d’enthousiasme pour 28, car les enfants m’ont tout de même suivie — il faut dire qu’ils ont l’habitude. Les parents aussi, puisqu’aucun d’eux n’a trouvé étrange ou suspect que je fasse une parenthèse aussi importante dans l’organisation de la classe et le déroulé du programme. La liberté pédagogique est toujours à défendre, mais je suis ravie de pouvoir en faire profiter mes élèves : ils sont toujours enthousiastes à l’idée de travailler ensemble, de pouvoir se traîner à quatre pattes dans la cour pour prendre des mesures ou tracer des figures démesurées, de répondre à mes défis farfelus, de manipuler des instruments sortis de mon garage plutôt que de la réserve de l’école, et d’user de leur liberté de réfléchir, de se questionner, de faire des hypothèses, d’inventer, de créer.

Dans le rapport Villani-Torossian, il est dit que lors des événements particuliers, comme la semaine des mathématiques, « les élèves peuvent exposer leurs productions, valoriser leurs découvertes, en contribuant à l’image positive des mathématiques et au rayonnement de l’établissement, en particulier auprès des parents ». Notre travail a fait l’objet tous les jours de petits reportages sur la messagerie de la classe, nos découvertes, nos travaux, nos œuvres ont été expliqués et exposés, aussi bien pour les partager avec les enfants de l’école qu’avec les familles.

Dans ce même rapport, il est dit que les mathématiques doivent devenir nos « amies », qu’il faut encourager les initiatives autour du « plaisir » et du « jeu ». Il est recommandé de soigner la « dimension affective » des apprentissages, qu’il faut apprendre « par le plaisir et par l’effort ». Autant d’objectifs qui ont habité ces deux semaines.