Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Introduire les nombres complexes avec un logiciel de géométrie dynamique
Et prolonger par une réflexion sur la géométrie au collège.

Monique Gironce revisite un article ancien qu’elle corrige et complète à la lumière d’évolutions techniques et de contacts récents.

Article mis en ligne le 10 février 2024
dernière modification le 19 février 2024

par Monique Gironce

N.D.L.R : Voici un type d’article que MathémaTICE apprécie particulièrement.
Monique Gironce part d’un article ancien qu’elle remet en forme en y retouchant des parties tombées en ruine... Puis elle en améliore des éléments que les évolutions logicielles ont rendu obsolètes. Ses échanges avec les collègues de l’IRES de Toulouse et l’amicale confrontation entre partisans de GeoGebra et de DGPaD n’y sont pas étrangers. La prise en compte des travaux de géométrie de l’IREM de Paris lui a ouvert de nouveaux horizons qui l’ont conduite à enrichir l’article.
C’est à ce riche cheminement qu’invite le nouvel article : progression « de rature en rature » en puisant dans des travaux récents, vers le renouvellement de pratiques rendu possible par l’évolution technique des logiciels et une large réflexion pédagogique.
Un cheminement exemplaire.



L’événement déclencheur ...

Il y a quelques mois, la rédaction de MathemaTICE me signalait que dans un article ancien (article n°553 du 19 avril 2014), article écrit en collaboration avec Alain Busser pour fêter l’arrivée des expressions dans DGPad, certains liens étaient morts.
Donc la partie me concernant a été revue :

  • les liens morts sont corrigés
  • la plupart des liens vers les vidéos ont été rétablis

Malgré tout, des vidéos sont manquantes et resteront manquantes : ce n’est pas trop grave car la construction de mes figures se ferait beaucoup plus facilement aujourd’hui : avec l’arrivée de Blockly c’est tellement plus simple !
Bref, ma partie n’est plus vraiment pertinente : si vous voulez retrouver ces figures actualisées (et téléchargeables, et/ou connaître le mode d’emploi de DGPad (de Blockly en particulier), et trouver des activités « prêtes à l’emploi », il suffit de vous rendre sur ce site. Vous y découvrirez un outil très simple à utiliser pour mêler le monde de la géométrie dynamique et celui de la tortue (une tortue dynamique qui se déplace en temps réel à chaque ajout de ligne de code), pour mêler le monde de la géométrie dynamique et celui de la programmation en Blockly.

... et ce qu’il a déclenché dans un premier temps...

Après ma partie, j’ai relu celle d’Alain. Voir à la fin de l’article : « expressions et fonctions » ; et les deux derniers onglets : « Nombres complexes » « polynôme cyclotomique ».

Il y expliquait à des élèves (au départ scandalisés) qu’ils pouvaient ... prendre la racine carrée d’un point, ou même multiplier des points !!! Chacun aura compris qu’en fait ce sont des raccourcis pour parler des opérations sur les affixes de ces points dans la plan complexe.

Et là il m’est venu une idée :
Il y a bien longtemps, vers 2005 probablement (comme le temps passe ...) j’avais expérimenté pour mes élèves de TS une introduction du plan complexe avec .. Cabri. Je dis bien : une introduction directe ; c’est à dire, sans aucune connaissance préalable, une plongée expérimentale directe dans le plan complexe. Ce plan complexe c’était tout simplement une figure Cabri dans laquelle deux macros avaient été fabriquées pour la circonstance : une pour ajouter des points, une pour les multiplier.

Alors pourquoi ne pas refaire les figures avec DGPad ?

Eh bien c’est que qui a été fait ici, dans un item de notre didacticiel de l’IRES de Toulouse.

Le déroulement de l’activité

On le trouve ici. Il ne sera donc pas repris. On signalera cependant que c’est juste une trame très succincte, à développer, adapter, etc. Quant aux figures, elles sont libres et téléchargeables. Chacun peut donc les utiliser, les partager, éventuellement les placer dans sa propre page web.

La multiplication :

(si vous ne voyez pas les figures, changez de navigateur : Firefox les affichera sans réticences !)

La ditributivité :

Les secrets de fabrication

Blockly permet de gérer très facilement les éléments d’une figure, et de créer de nouveaux objets divers et variés. Pour nos deux figures, j’aimerais en donner quelques exemples :

  • les textes conditionnels
    Depuis chaque point A, B, etc, il est demandé à la tortue d’écrire ce type d’instructions successives :

    Les premiers blocs permettent d’orienter le texte à sa convenance, et les blocs couleur « café au lait » utilisent des éléments déjà existants de la figure.

  • l’insertion d’images
    Comme c’est expliqué ici, l’insertion se fait depuis un unique point, le centre de l’image : parfois il faut agrandir le « canvas » avec Gimp (ou autre) pour que ce centre soit bien placé. Pour l’orientation et le zoom ce sont les blocs qui font le travail.

    Il y a deux blocs identiques « data:image » ... car deux « rantaplans ». Les « largeur : -1 » et « longueur : -1 » signifient tout simplement que ces paramètres ne sont pas utilisés. Le premier zoom vaut 1 (taille originale de la figure) ; le second est variable.

  • le « cacher » conditionnel
    Dans nos deux figures certains éléments ont une visibilité conditionnelle. Pour cela il a suffi de créer une expression-programme Blockly et d’y inclure des blocs « d’aspect » comme celui-ci :

    rantan est le point à partir duquel a été créé le bloc d’images du paragraphe précédent, n est un curseur booléen qui vaut 0 ou 1 : on peut même cacher/montrer un bloc-tortue !

Quel choix de logiciel ?

Un dernier onglet pour y partager un point de vue personnel.
Il y a un bon moment que je fréquente les logiciels de maths utilisés dans les collèges et lycées.
Comme les plus anciens parmi nous je suis passée par la case « le Géomètre », « Géoplan », « Géospace », « ToutYX » (disparu, comme d’autres), « Cabri », « CaRMetal », « Scratch », « GeoGebra ».
Et actuellement, à chaque fois que je veux produire une activité informatique j’essaie de me poser d’abord la question : pour le but fixé, quel est le logiciel le plus adapté ? En résumé : le projet d’abord, le choix des outils ensuite. Même si ce n’est pas facile d’imaginer qu’un outil moins connu est plus adapté que celui qu’on connait si bien.

Pour cette histoire d’introduction des nombres complexes, là c’était vraiment DGPad qui me convenait le mieux, probablement parce que Blockly a grandement facilité la tâche ; et que par défaut il multipliait si bien les points !

Amusant : dans notre groupe IRES, sous-groupe géométrie dynamique, il y a les fans de GeoGebra et les fans de DGPad. Pour chaque nouveau projet il y a une amicale confrontation : avec lequel ce sera le plus facile ? le plus pertinent ? C’est toujours très enrichissant.

À propos de DGPad : n’hésitez pas à consulter le remarquable site d’Yves Martin sur les Géométries Non Euclidiennes (GNE). Pour toutes ces figures Yves utilise beaucoup les macros (ainsi que Blockly et les nombres complexes) ; avec éventuellement un petit tour du côté de son compte instagram.

... puis dans un deuxième temps.

Les figures précédentes illustrant bien à son goût le lien entre les nombres complexes et les similitudes, Alain me suggérait alors de présenter quelque chose de semblable à propos des translations/rotations/homothéties. Deux raisons m’ont fait accepter :

  • Étant retraitée, je ne peux pas rendre compte d’expériences vécues en classe. Mais je fais partie d’une association qui intervient auprès de jeunes en rupture scolaire pour lesquels le SAPAD a renoncé, ou pour d’autres raisons parfois compliquées ; nous essayons de maintenir chez eux un certain plaisir d’apprendre, en attendant (quand c’est possible) le retour au collège ou au lycée. Bref, les « j’ai rien compris à ... » peuvent être pour moi source d’inventivité.
  • Depuis un bon moment je m’intéresse aux productions du groupe « géométrie » de l’IREM de Paris, groupe animé entre autres par Daniel Perrin. Et j’avoue être complètement en phase avec leurs propositions : d’ailleurs en novembre 2023, aux journées APMEP de Rennes, j’ai participé à l’atelier « cas d’égalité des triangles » animé par Didier Guillaume, un membre de ce groupe.

Propositions de ce groupe IREM

« Pour enseigner la géométrie au cycle 4 », c’est le titre de la brochure n°100 qu’ils ont produite.

La position adoptée, résumée rapidement :
Il serait bon que les élèves du cycle 4 puissent produire eux-mêmes des démonstrations. Mais démontrer avec les transformations n’est pas du tout facile (remarque personnelle : même quand j’avais de « bonnes secondes » ce n’était pas facile pour eux, alors en collège ..)
Quels outils proposer à la place ?

  • les cas d’égalité des triangles (dès la cinquième !)
  • les démonstrations par les aires (pour le théorème de Pythagore et celui de Thalès)
  • les cas de similitude des triangles

Et les transformations ? On les réserverait aux problèmes de construction avec contraintes (à nouveau remarque personnelle : en seconde, même avec l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique, pas si facile !)

Transformations d’images

Alors quelle place pour les transformations au collège ? On pourrait dire aux collégiens : vous verrez ça plus en détail en seconde ou après (sous-entendu quand vous connaîtrez les vecteurs). Pas sûr qu’ils soient tous convaincus ... On pourrait aussi leur dire et surtout leur faire toucher du doigt que ces transformations on les trouve partout, dans les logiciels de dessin, ceux qui préparent à l’impression 3D, etc.

À mon sens, il reste un souci pour les élèves en difficulté. On parle de translation, sans notion de vecteur ; de la rotation sans connaître les angles orientés. Et l’homothétie, quel « gros mot » pour mes élèves à la scolarité chaotique ! Les programmes semblent dire qu’il ne faut pas trop traiter les transformations ponctuelles, mais transformer des images alors comment s’y prendre ?

J’ai demandé à Rantanplan de donner une bonne image mentale de la similitude dans le plan complexe (voir les figures en début d’article). Je réalise maintenant ceci : avec DGPad on insère des images en Blockly (les élèves adorent Blockly) et à partir d’un seul point de la figure ; et ce point sera éventuellement le centre de la rotation ou de l’homothétie désirées ; l’ordre de présentation devient le suivant :

  • on ouvre une fenêtre Blockly depuis un point ;
  • l’image est insérée ;
  • éventuellement transformée ( bonne image mentale pour l’élève) ;
  • enfin et enfin seulement, on regarde la transformation ponctuelle « à la trace » ; en ajoutant le vocabulaire plus technique si besoin.

1- Les translations

  • Un clic sur le point tortue renseigne sur les blocs utilisés : le discours à tenir à ce sujet est laissé à l’initiative de chacun ...
  • Un prolongement possible : créer un point M, puis le point M’ : M+[2,1] (avec l’outil calculatrice), un raccourci pour dire que M se déplace de 2 vers la droite puis de 1 vers le haut. Demander ensuite à M et M’ de laisser leurs traces.

On peut préférer cette figure dynamique :

2- Les homothéties

  • Un clic sur le point tortue renseigne sur les blocs utilisés : le discours à tenir à ce sujet est laissé à l’initiative de chacun ...
  • Un prolongement possible : créer un point M, puis le point M’ : M*2,5 (avec l’outil calculatrice), un raccourci ... Demander ensuite à M et M’ de laisser leurs traces.

On peut préférer cette version dynamique :

Et on peut compléter l’approche par cette modélisation du pantographe de Steiner :

  • Dans cette figure c’est le point C1 qui est libre ; donc la figure sera nécessairement agrandie. Pour une réduction alors C2 est libre (et C1 dépendant), comme ci-dessous :
  • Pour les élèves : le discours à tenir est laissé à l’initiative de chacun, mais ne pas oublier de leur faire démontrer que O, C1 et C2 sont alignés !

Les transformations secrètes

On trouvera ici des activités plus originales sur les transformations, celles vues au collège et d’autres (à expérimenter), qui peuvent même déformer !

Dans chacune des deux figures ci-dessous figure une transformation inconnue enregistrée sous forme de macro.

M est le point libre (en vert), le point rouge est son image par la transformation en question. Comme la macro est donnée, il est possible de construire d’autres points et leurs images. Il est demandé au minimum de trouver des propriétés de cette transformation : a t-elle des points fixes ? conserve t-elle l’alignement ? les longueurs ? les angles ? etc. Deux bons outils pour aider : la trace des points et/ou leur ancrage/désancrage sur des segments, des cercles ... Et pourquoi pas de retrouver la définition géométrique de cette transformation.

La transfo1

Et la transfo2

(d’autres exemples à venir sur notre site IRES)

Dans la vraie vie ...

Comme le souligne Daniel Perrin, la géométrie est partout, utile à tellement de personnes dans leur quotidien.

Alors j’ai voulu terminer cet article par une petite histoire personnelle, et récente.
Le joint de mon bouchon d’évier (IKEA ...) est devenu complètement défectueux. Il a à peine plus de 10 ans et n’existe plus en pièce détachée (ah, l’obsolescence programmée !). Alors m’est venue l’idée, après avoir pris toutes les mesures au pied à coulisse, d’en faire faire une impression 3D. Je savais que GeoGebra permet des figures prêtes pour ce type d’impression ; mais Véro (de notre groupe) nous avait initié au logiciel BlocksCAD. Et je le trouvais vraiment adapté à ce mini projet : merci Véro ! BlocksCAD utilise abondamment les transformations.

Vous avez droit à tous les détails :

Le rendu de la pièce (après l’avoir programmé) :

La première partie du programme : une fonction qui construit les picots (qui sont légèrement inclinés)

Le programme qui utilise trois fois la fonction « picot ». Remarque : il y a un bloc original et bien utile : le bloc « coque » qui construit une enveloppe de deux pièces.

Et c’est tout ! Simple, montrable.
La pièce a été imprimée une première fois au Fablab du coin, mais avec un matériau beaucoup trop rigide. Il faudrait quelque chose qui ressemble à du caoutchouc. Ou alors changer bonde et siphon ...