Les nouvelles technologies pour l’enseignement des mathématiques
Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Le boulier chinois, une ressource pour la classe et pour la formation des professeurs
Article mis en ligne le 24 juin 2016
dernière modification le 1er décembre 2021

par Caroline Poisard, Delphine Dhondt, Estelle Moumin, Gwenaëlle Riou-Azou

Auteures :

  • Gwenaëlle Riou-Azou, ESPE de Bretagne, UBO (Université de Bretagne Occidentale), site de Brest ;
  • Delphine Dhondt, École Jean Monnet Quimper,
    ESPE de Bretagne, UBO (Université de Bretagne Occidentale), site de Quimper ;
  • Estelle Moumin, Académie de Rennes, circonscription de Rennes Sud ;
  • Caroline Poisard, Laboratoire du CREAD, ESPE de Bretagne, (Centre de recherche sur les apprentissages et la didactique), UBO (Université de Bretagne Occidentale), site de Quimper.

Cet article peut être librement diffusé à l’identique dans la limite d’une utilisation non commerciale suivant la licence CC-by-nc-nd

Voir aussi

N.D.L.R : "Nouveauté 2021
« Mallette boulier chinois pour la classe » - version 2, 2021
Les ressources de la « mallette boulier chinois » sont maintenant accessibles avec les liens suivants :


Introduction

Cet article présente le boulier chinois comme une ressource analysée à deux niveaux : une ressource pour la classe, pour faire des mathématiques (Poisard, Bueno-Ravel, Gueudet, 2011), et également une ressource pour la formation des professeurs en mathématiques et en didactique des mathématiques. L’analyse et la mise en forme de ressources pour enseigner les mathématiques avec le boulier chinois se sont construites par un travail collaboratif au sein du groupe MARENE [1] (entre professeurs des écoles, maîtres-formateurs, conseillers pédagogiques, formateurs de mathématiques, et enseignants-chercheurs en didactique des mathématiques). L’ensemble des ressources produites constitue la « mallette boulier » [2] et régulièrement mise à jour.

Dans la première partie de cet article, nous présentons des analyses d’expériences menées en formation des professeurs avec comme support la mallette boulier. Nous présentons ensuite le parcours de formation M@gistère (formation hybride à distance et en présence) issu de cette mallette. À partir de la transcription de l’entretien mené avec deux professeurs des écoles, nous analysons l’organisation matérielle, l’intérêt du boulier pour les apprentissages des élèves, le rôle du professeur et également les modifications de pratique des professeurs que l’intégration du boulier en classe peut générer. Dans la seconde partie, nous analysons les extraits vidéos des séances de classe disponibles sur le parcours. À partir des transcriptions de deux séances menées en CP et en CM2, nous analysons les procédures des élèves, le rôle du professeur et les savoirs en jeu.

Retour au début

Analyse d’expériences en formation des professeurs

Nous allons dans ce paragraphe présenter tout d’abord nos différentes expériences de formation avec la mallette boulier chinois. Cette mallette est organisée en quatre parties :

  • des bouliers matériels et virtuels (logiciels, fiches cadre, fiches modèles pour les élèves, tutoriel j3p)
  • des ressources pour le professeur (livret du professeur, tutoriel, fiche vocabulaire, entretiens avec deux professeurs des écoles, diaporama de présentation du boulier, quiz 1 et 2, modèle de trames, grille d’analyse didactique)
  • des ressources pour la classe (classe de GS : progression, fiches élèves, dictionnaire des nombres, livre du boulier et cycles 2 et 3 : trames de séquences, fiches élèves)
  • des idées pour aller plus loin (articles, présentation du parcours M@gistère boulier, liens vers le MOOC eFAN mathématiques).

Ceci nous mène naturellement vers la présentation du parcours de formation M@gistère (de type hybride présence/distance) que nous avons mis au point et qui est disponible depuis la rentrée 2015. Enfin, nous présentons une analyse d’un entretien avec deux professeurs des écoles du groupe MARENE qui utilisent le boulier chinois en classe.

Nos expériences en formations (groupe MARENE, 2008-2015)

Au cours de ces dernières années, nous avons mené différentes formations pour présenter les ressources créées et testées dans notre groupe de recherche. Ces formations en présence étaient à destination de différents publics, et avec différents formats : des animations pédagogiques et des cours pour les étudiants des Masters MEEF PE et PLC, M1 et M2 [3] (environ 2 heures pour un même public). Nous avons également reçu des demandes de collègues en ITEP (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) et IME (institut médico-éducatif) très intéressés par la mallette du boulier chinois pour des élèves dits « à besoins particuliers ». Dans le groupe MARENE, nous avons tous en tête une anecdote d’une élève de 9 ans en CE2 qui refusait de se mettre au travail en mathématiques et qui avec « l’objet boulier » a pu rentrer dans un travail mathématique et même y trouver du plaisir ! Mais notre point de vue est que l’étude du boulier chinois en classe n’est pas un remède magique, ni un instrument spécifique uniquement pour des élèves « en difficulté ». C’est une ressource pour tous les élèves de la classe !

Dans la mallette « boulier chinois », nous utilisons cet instrument à calculer que nous offre l’histoire et la culture asiatique comme un instrument pédagogique en France. L’objectif n’est pas pour l’élève de devenir expert pour effectuer des calculs, mais de donner du sens à la numération et aux algorithmes de calcul. C’est en particulier en faisant le lien entre différentes manières de coder le nombre en numération et pour le calcul que l’apprentissage sera pertinent pour les élèves. Il permet de travailler les aspects délicats de la numération : la notion de rang (de tige sur le boulier) et la différence entre valeur et quantité (1 quinaire égale 5 unaires). Pour le calcul, c’est la notion de retenue dans les opérations qui est travaillée (le passage se fait à la main entre les tiges). Pour la multiplication et la division, le boulier permet d’effectuer les additions et soustractions au fur et à mesure (d’autres instruments comme les bâtons de Néper sont également un très bon support d’apprentissage pour donner du sens, comme cela est présenté dans l’article de Daval et Busser de ce numéro spécial MathémaTICE).

Enfin, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que l’appropriation de la mallette « boulier chinois » demande un investissement important de la part des professeurs. En effet, il faut une certaine gymnastique intellectuelle pour apprivoiser le boulier : le déplacement des boules dans un même rang (de bas en haut pour les unaires et de haut en bas pour les quinaires) et entre les rangs (en lien avec les trois manières d’inscrire 10, figure 1) nécessite un entraînement.

Figure 1 : Les trois inscriptions de 10 sur le boulier chinois.
inscription de 10
1 unaire sur la tige des dizaines
inscription de 10
1 quinaire et 5 unités sur la tige des unités
Inscription de 10
2 quinaires sur la tige des unités

Mais comme on le remarque souvent, les enfants ont plus de facilités que les adultes pour rentrer dans une telle gymnastique ! Ensuite, les ressources que nous avons créées (fiches pour les élèves, tutoriels, livret pour le professeur) sont assez denses et nécessitent un temps d’appropriation conséquent. L’idée est donc d’envisager de mettre en place des séances boulier de la GS au début du collège sur un projet d’école et de liaison école/collège.

De la mallette au parcours M@gistère « le boulier chinois à l’école » (disponible depuis la rentrée 2015)

Le projet de MARENE s’intéresse donc à la production de ressources pour enseigner les mathématiques. Nous avons dans un premier temps mis au point une mallette boulier puis créé un parcours de formation M@gistère (projet soutenu par la DGESCO). Nous avons choisi pour ce parcours un format e-action de 9 heures en cinq étapes : deux à distance (au total 4h30) et trois en présence (1h30 chacune soit 4h30 de présence). Les principaux objectifs de la formation sont de proposer :

  • des ressources matérielles et virtuelles pour travailler sur le nombre, la numération et la calcul de la GS au CM2 (et au début du collège)
  • de travailler sur le codage du nombre : le boulier chinois vient compléter les autres codages déjà présents en classe (constellations, doigts, écritures en chiffres, lettres, etc.). Le boulier est un support adéquat pour travailler également les nombres décimaux et le calcul mental (décomposition des nombres, propriétés des opérations)
  • de travailler par investigation en mathématiques : débattre des différentes propositions des élèves pour inscrire et lire des nombres et effectuer des opérations, ceci dès la première séance où la question posée aux élèves peut être : « À quoi sert cet objet ? Comment fonctionne-t-il ? » Ces aspects sont développés au paragraphe suivant avec des analyses de séances en CP et en CM2.

Les cinq étapes du parcours s’articulent de la manière suivante (figure 2) :

  • L’étape 1 (présence, 1h30) présente le mode fonctionnement du boulier chinois. Les ressources à disposition sont : un diaporama, les manipulations du boulier, le livret du professeur, des tutoriels, des vidéos de classe, des entretiens avec des professeurs, des fiches pour les élèves, etc.
  • L’étape 2 (distance, 2h) consiste en l’appropriation des ressources de la mallette (lectures, impression des fiches, installation des logiciels, etc.) et au travail sur un quiz sur le mode de fonctionnement du boulier.
  • L’étape 3 (présence, 1h30) permet la conception collaborative de séances. Un modèle de trame de séquence est proposé.
  • L’étape 4 ( distance, 2h30) permet de tester les séances en classe. Un second quiz permet de travailler sur des questions didactiques : l’étude du boulier en classe.
  • L’étape 5 (présence 1h30) réalise le bilan des séances testées en classe avec comme support les trames des séquences et également une grille d’analyse didactique de ces séances.

Tout au long du parcours, un forum pour les stagiaires est disponible et les trames de séquences et grille d’analyse didactique sont mutualisées dans un espace réservé pour cela.

Figure 2 : Les cinq étapes du parcours M@gistère « boulier chinois à l’école »
ÉtapesÉtape 1Étape 2Étape 3Étape 4Étape 5
Type d’étape Présence, 1h30 Distance, 2h Présence, 1h30 Distance, 2h30 Présence, 1h30
Objectif principal Mode de fonctionnement du boulier Appropriation des ressources de la mallette Conception collaborative de séances Mise en place des séances en classe Bilan sur les séances testées en classe
Ressources / Mutualisation Ressources de la mallette Quiz 1 : mode de fonctionnement du boulier Trame de séquence Quiz 2 : l’étude en classe du boulier chinois Grille d’analyse didactique

Entretiens avec deux professeurs des écoles qui utilisent le boulier chinois en classe

Au moment de la création du parcours, il nous est apparu intéressant de pouvoir proposer aux stagiaires une vidéo d’un entretien avec des professeurs des écoles qui utilisent le boulier chinois en classe. Ce film est disponible sur le parcours, nous proposons ici une analyse de cet entretien à partir de sa transcription. Cet entretien reprend la grille d’analyse didactique proposée dans le parcours en y ajoutant une première question pour préciser le contexte d’utilisation en classe pour ces deux professeurs (figure 3).

Figure 3 : Grille d’entretien pour les deux professeurs des écoles
Question 1 :
Depuis combien d’années utilisez-vous le boulier chinois en classe ?
À quels niveaux ? Avec quelle organisation matérielle en classe ?
Question 2 :
Concernant le boulier chinois, quels apports en classe avez-vous constatés ? Quels sont les intérêts de l’utilisation du boulier en classe ?
Question 3 :
Côté élèves : quels apprentissages semblent être réalisés ? Quelles sont les procédures mises en œuvre ? Quelles sont les difficultés et erreurs rencontrées ?
Question 4 :
Côté professeur : quel rôle pour le professeur lors de ces séances ?
Comment la gestion de la classe s’organise-t-elle ?
Quelles aides sont apportées aux élèves ?
Question 5 :
Depuis que vous mettez en place des séquences sur le boulier, quelles modifications avez-vous apportées ? Dans quel objectif ?
entretiens

Comme Estelle et Delphine l’indiquent ici, la question de l’organisation matérielle (question 1) est importante car les ressources matérielles et virtuelles (Poisard et al, 2015) sont diverses et s’adaptent à chaque classe, en utilisant des bouliers matériels et/ou virtuels (logiciel Sésamath et j3p). Le professeur peut avoir à disposition (figure 4) :

  • Un tableau aimanté pour utiliser le cadre du boulier avec des aimants,
  • un video-projecteur ou un TBI avec le logiciel,
  • un rétroprojecteur ou un visualiseur pour projeter un boulier matériel (ainsi que les fiches),
  • une classe mobile d’ordinateurs ou de tablettes, ou encore l’accès à une salle informatique.
Figure 4 : Des ressources matérielles et virtuelles à combiner
Boulier affiché
sur tableau blanc avec aimants
utilisation du TNI ou vidéoprojecteur
Visualiseur connecté
relié à un ordinateur, à relier à un vidéoprojecteur.
Ardoise, doigts et bouliers matériels.
Ordinateur élève et fiches papier/crayon.
Tablette et boulier matériel.

Comme nous allons le voir dans cet entretien, Delphine et Estelle nous parlent de différenciation, d’autonomie des élèves, de motivation, de verbalisation des procédures ainsi que de leur vision des mathématiques et leur pratique en classe (question 2).

Comme le remarque Estelle, les fiches élèves pour lire et inscrire des nombres sont souvent complétées à l’aide du logiciel boulier qui permet une autocorrection des élèves :« On a créé petit à petit des fiches pour que les enfants soient de plus en plus autonomes et qu’ils puissent aussi progresser, travailler chacun à leur rythme [...]. ». Estelle poursuit ensuite sur l’intérêt de l’utilisation du boulier pour différencier le travail des élèves : « Grâce à cet outil, on peut facilement permettre aux élèves de s’approprier tout ce qui est construction du nombre et calcul, avec des fiches de différenciation pour que les enfants puissent effectivement progresser. ». Le second intérêt porte sur les compétences en informatique : « On va associer avec le boulier numérique des compétences informatiques et mathématiques, et ça c’est pas neutre d’un point de vue motivation élèves. »

Aussi, Delphine souligne que côté élèves (question 3), les séances boulier permettent un travail sur la verbalisation, notamment pour l’explicitation des procédures : « Ce qui est vraiment flagrant, c’est la verbalisation pour les élèves, ils doivent utiliser un vocabulaire approprié : on parle d’unaires, on parle de quinaires. Je leur demander d’expliciter leur procédure […] ensuite, ils ont l’habitude d’être dans cette démarche-là, d’expliciter vraiment leur procédure, qu’elle soit experte ou non. Et c’est ça qui est intéressant. […] Tout le monde bénéficie de cette explicitation ! »

Enfin, concernant l’impact sur les pratiques de classe de l’utilisation du boulier, Estelle pense avoir évolué sur sa vision des mathématiques et sur sa pratique des mathématiques en classe. « [..] Je pense qu’avant je manipulais moins, c’est-à-dire que grâce au boulier, je suis revenue à des basiques de manipulations mathématiques, même avec les plus grands [CM2]. C’est un changement dans ma pratique. Maintenant dans mes fonctions de formatrice, je suis plus […] sur cette importance de prendre son temps, et de ne pas faire abstraction de cette appropriation matérielle, presque physique du nombre. J’ai modifié moi-même ma vision des mathématiques ! ». Delphine situe pour sa part son évolution sur sa « conception du nombre en tant que professeur », l’attention portée à l’explicitation des différentes procédures des élèves et l’utilisation du boulier numérique en GS : « Ce qui m’a beaucoup intéressée, c’est l’utilisation du numérique avec des élèves plus petits, dès la maternelle. Ils n’ont aucun a priori, au contraire, [...] ils manipulent facilement cet outil et ce qui était également extrêmement intéressant, c’était de voir leur passage de l’outil matériel au numérique. »

Retour au début de partie
Retour au début de l’article

Analyse de séances en classes au CP et au CM2

Nous allons maintenant analyser deux séances menées en classe : une par Estelle (CM2) et une par Delphine (CP). Ces séances se sont déroulées en mars 2015 (environ 45 minutes chacune) et des extraits vidéos peuvent être visionnés sur le parcours. Notre analyse porte sur les transcriptions de ces séances. En effet, le choix de travailler sur des transcriptions est guidé par des choix méthodologiques utilisés en didactique des mathématiques, ceci permet une analyse fine des contenus des discussions et en particulier des savoirs en jeu.

Analyse d’extraits de transcriptions d’une séance au CM2

Lors de cette séance, les élèves découvrent pour la première fois l’objet boulier et réfléchissent à son mode de fonctionnement. Cette séance est de type investigation : les élèves émettent des hypothèses à partir de la question : « Qu’est-ce que cet objet ? À quoi sert-il ? Comment s’en servir ? » Le rôle du professeur est de mutualiser les propositions et de gérer le débat entres les élèves (Poisard, 2006).

Nous avons choisi quatre extraits significatifs et importants : la première séance de découverte du boulier, la mise en commun des propositions, les discussions à partir d’exemples d’inscriptions et la synthèse de la séance. Pour cette séance, le professeur a à disposition des bouliers japonais (soroban, figure 5) qui ne permettent d’inscrire que des nombres en inscription économique (4 unaires et 1 quinaire par tige).

Figure 5 : Un boulier japonais ou soroban : 1 quinaire et 4 unaires par tige.
boulier japonais : soroban
  • Extrait 1 : Découverte du boulier (9’01)
    Le professeur soumet aux élèves les questions suivantes :
    « Qu’est-ce que cet objet ? À quoi sert-il ? Comment est-il fabriqué ? » (figure 6)
    Les élèves proposent : un marqueur de points de babyfoot (lol pas mal, je n’y aurais pas pensé !!!), une calculette, un clavier, un instrument de musique et enfin un objet mathématique ! Finalement, c’est un boulier qui sert à compter et calculer.
Figure 6 : Trace écrite au tableau en fin de séance (extrait 1, CM2)
Qu’est-ce que c’est ? A quoi cela sert-il ?
Un instrument de musique
points de babyfoot
un objet mathématique
japonais : le boulier
une calculette
un clavier ( ?)
calculer
compter

Extrait 2 : Mise en commun des propositions (7’13)
Les élèves ont travaillé en groupes (environ 20 minutes) à partir de la question :
« Le boulier sert à calculer, comment s’en sert-on ? »
Les élèves formulent des hypothèses sur le mode de fonctionnement du boulier.
Une première proposition est que les boules de la partie inférieure valent une chacune et l’inscription de 16 est proposée (figure 7).

Figure7 : proposition d’inscription de 16
En fait c’est 4 444 qui est inscrit. [1]

[1Copie d’écran à partir de l’application « classical abacus ».

Une deuxième proposition permet d’utiliser les boules de la partie supérieure du soroban, chaque boule valant toujours un. Le professeur demande alors : Quel est le plus grand nombre inscriptible sur le boulier ? C’est 65 (5 boules par tige qui valent chacune 1 et 13 tiges, 5×13=65).

Le vocabulaire cadre, tiges, barre de lecture, activer des boules est travaillé.
Le professeur relance la recherche en précisant qu’il est possible d’inscrire le nombre 1 990 696.

Professeur : Ça veut dire que vous êtes en CM2, vous allez partir en 6ème en sachant compter jusqu’à 65 ? En comptant chaque boule…est-ce que c’est très efficace si on a un million neuf cent quatre-vingt-dix mille six cent quatre-vingt-seize ? Et pourtant je vous garantis qu’avec ce boulier on peut compter jusque-là. Alors comment fait-on ?

  • Extrait 3 : Discussions à partir d’exemples d’inscriptions (7’31)
    Le professeur utilise une fiche de cadre boulier au tableau avec des aimants pour représenter les boules (figure 8).
Figure 8 : Utilisation d’aimants sur un cadre au tableau pour montrer aux élèves les inscriptions de 12 puis 7.
Inscription de 12
démonstration au tableau
Inscription de 7
démonstration au tableau

Le professeur inscrit et lit le nombre 12 comme une unaire dans les dizaines et 2 unaires dans les unités. Immédiatement, des élèves commencent à parler de la tige des unités et des dizaines.

Un élève propose la décomposition suivante : 12=4+4+4 (3 boules activées) :

Amédée : Au début, je croyais qu’une boule c’était 4, parce que 4, 8, 12.
Professeur : C’est très intéressant ce que tu me dis là Amédée. Tu penses que la valeur de la boule est différente ?

Ensuite, le professeur inscrit au tableau et lit 7 (1 quinaire et 2 unaires dans les unités).

Un élève propose la décomposition : 7=3+3+1. Puis le lien avec les tiges unités/dizaines est à nouveau étudié. Les élèves parlent des boules « du haut » et « du bas » :

Yann : Les deux boules du dessous, il y a une boule qui vaut trois, parce que 3+3=6 et la boule du dessus c’est un.
Professeur : Alors, c’est une idée intéressante. Ça veut dire que toi, contrairement à tout à l’heure, où chaque boule valait la même chose. Toi, tu dis : « Celles d’en bas valent trois car 3+3=6 ». D’accord, et celles d’en haut valent un. Ça veut dire que celles d’en bas et celles d’en haut n’ont pas la même valeur. C’est intéressant... mais ce n’est pas encore ça ! […] Alors, on garde l’idée que la valeur des boules est importante. Et on garde l’idée que les boules qui sont en haut de la barre de lecture n’ont pas la même valeur que les boules qui sont en bas de la barre de lecture. Mais par contre chaque boule vaut la même chose. Ali ?
Ali : Là, ça compte quatre points, et là ce sont les unités, unités, dizaines, centaines [Ali montre chaque tige de droite vers la gauche]
Professeur : On est d’accord que chaque tige, on va dire… on avance… là ce serait les unités [elle indique la tige la plus à droite et note U pour unités en haut de la tige]. Là ce serait les dizaines, là ce serait les centaines, et là les unités de mille… [Elle inscrit en haut de chaque tige le symbole de chaque rang]. On avance… Validé ! On avance sur le fait qu’il faut comprendre la valeur des boules. Mais, non Ali, celles d’en haut ne valent pas quatre...

Les décompositions suivantes sont également proposées par les élèves : 7=4+4-1 et 7=5+1+1. Cette dernière proposition est en accord avec l’inscription du 12 et est retenue. Le vocabulaire de quinaire est ensuite introduit par le professeur.

Sandra : Ça vaut cinq.
Professeur : Qu’est-ce qui vaut cinq ?
Sandra : Celles d’en haut.
Professeur : Bravo !
Sandra : En bas ça fait un plus un.
Professeur : Très bien ! Celle d’en haut valent cinq, et celles d’en bas, chacune vaut un.

  • Extrait 4 : Synthèse de la séance (2’35)
    Le professeur dessine un cadre de boulier et l’annote. Les deux points essentiels à retenir sont :
    • La valeur des boules : unaires et quinaires
    • La correspondance entre tige et rang de la numération (unités, dizaines, centaines, etc.)

La notion de « barre de lecture » est aussi rappelée.

Analyse d’extraits de transcriptions de séance au CP

Nous présentons trois extraits vidéo de séances avec le boulier chinois en classe de CP. Les élèves ont commencé l’étude du boulier à l’automne et la séance filmée s’est déroulée au mois de mars. Nous avons choisi trois extraits significatifs et importants : les rappels de début de séance, une activité sur « lire et inscrire des nombres » et une autre sur un calcul.

  • Extrait 1 : Rappels de début de séance (2’48)
    Les rappels concernent le matériel : jetons et boites (à la manière de Picbille) et boulier chinois.

Les notions en jeu sont : unités et dizaines, quinaires et unaires, valeurs des boules sur les tiges.

Sarah : Celles d’en haut ça fait cinq.
Professeur : Alors qu’est-ce qui fait cinq ? Tu me dis, celles dans haut, soit plus précise.
Sarah : Les boules d’en haut.
Professeur : Les boules. Alors, une boule du haut vaut cinq. Comment est-ce qu’on appelle encore cette boule-là ? [...]
Elèves : Une quinaire.
Professeur : Une quinaire. Les boules du haut valent cinq. Celles du bas ? […] Un, c’est les unaires. Très bien. Qu’est-ce qu’on peut dire de cette tige-là ? Enzo ?
Enzo : Des unités
Professeur : C’est la tige des unités. Qu’est-ce qu’on peut dire de cette tige là ? [Le professeur montre la tige suivante]. Mathilde ?
Mathilde : Les dizaines.
Professeur : Elle représente la tige des dizaines. Très bien, vous prenez votre ardoise.

  • Extrait 2 : Lire et inscrire des nombres (6’28)
    Cet extrait présente deux exemples pour les élèves : inscrire 64 puis 45 sur le boulier chinois.
    • Exemple 1 : Inscrire 64 sur le boulier au TNI.
      Les notions en jeu portent sur la différence entre valeur et quantité des boules. Les élèves utilisent de l’icône « voir nombre » pour valider une réponse. Les propositions de Leïla et Blaise (figure 9) sont transcrites ci-après :

Professeur : Maintenant nous allons passer à cette représentation du 64 sur le boulier chinois. [Une élève se déplace et prend le crayon du tableau numérique. Elle inscrit le nombre 64. Elle valide en appuyant sur l’icône « voir nombre ».] Tu peux nous expliquer ta démarche ?
Leïla : Là, ça fait cinq et après il y a une autre plus haut, dizaine. Ça fait six.
Professeur : Ça fait 6 dizaines.
Leïla : Et 4 unités.
Professeur : Et 4 unités. Et donc tu as bien inscrit 64 . Puis après qu’est-ce que tu as fait ?
Leïla : J’ai mis « voir nombre ».
Professeur : « voir nombre » pour valider ta réponse. Très bien. Tu mets à zéro s’il-te-plaît.
Blaise : J’avais une autre idée !
Professeur : Tu avais une autre façon d’inscrire sur le boulier ! Je serai bien intéressée…
Elèves : C’est une boule de 100 ! C’est une boule de 100 !
Professeur : Alors qu’est-ce qu’il a fait ? Non, mais c’est intéressant au contraire ce qu’il a fait. Qu’est ce qu’il a fait Blaise ? Qu’est-ce qu’il a confondu ? Evan ? […]
Evan : 154,154
Professeur : Il a inscrit 154. Mais qu’elle est sa méthode Roméo ?
Roméo : En fait, il a mis une boule de 100 au lieu d’une boule de dizaine.
Professeur : Oui, parce qu’il a activé combien de boules ici ? […] Il en a activé 6. Alors que…
Roméo : C’est une boule de 100.
Professeur : Voilà, c’est une boule de 100. Tu as confondu. D’accord. On remet à zéro.

Figure 9 : Inscriptions de 64, propositions de Leïla et de Blaise
Leïla : réponse juste pour 64
Blaise : erreur pour 64 (154 à la place)

Le boulier ci-dessous peut être manipulé pour vivre l’expérience des élèves

Afficher en plein écran :
 Boulier chinois
 Boulier japonais

  • Exemple 2 : Lire 45 avec les boites et les jetons puis inscrire ce nombre sur le boulier au TNI.
    Un élève utilise la méthode d’essai/erreur pour inscrire sur le boulier. Les élèves utilisent les icônes « voir nombre » et « placement » pour travailler sur l’inscription économique. Deux manières d’inscrire 45 sont présentées selon que 5 unités s’inscrivent comme 5 unaires ou 1 quinaire activées (dans les unités).
  • Extrait 3 : Effectuer un calcul sur le boulier chinois (3’06)
    Le calcul à effectuer est 71+2. La question de la pertinence de l’aide au calcul (boulier, bande numérique, calculatrice, etc.) est abordée ici et discutée par les élèves.

Retour au début de partie
Retour au début de l’article

Conclusions et perspectives

Le boulier chinois est donc une ressource pour la classe dès la GS (Riou-Azou, 2014) pour commencer à construire le nombre, puis au CP pour travailler sur la numération, le calcul réfléchi et poursuivre sur les techniques de calcul posé, jusqu’en CM2 et même au-delà (Poisard, 2009). Nos travaux en cours portent sur l’intérêt du boulier chinois pour développer en mathématiques la liaison CM2/6ème. Avec la nouvelle définition du cycle 3 (CM1, CM2 et 6ème), cet aspect nous semble particulièrement adéquat.

Le boulier chinois est aussi une ressource pour la formation des professeurs des écoles (et également de collège). Un aspect qui est aussi au cœur de nos préoccupations est l’appropriation de la mallette par des professeurs, et encore plus spécifiquement l’appropriation du parcours M@gistère boulier. Cette appropriation porte sur deux niveaux : celle des stagiaires qui vont tester le boulier en classe mais également celle des formateurs qui sont responsables du parcours M@gistère. Quelle formation spécifique est nécessaire pour déployer un tel parcours ? Comment se parcours peut-il se décliner localement ? Ces questions sont l’objet de notre travail en cours.

Retour au début de l’article

Références