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Intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques

MathémaTICE, première revue en ligne destinée à promouvoir les TICE à travers l’enseignement des mathématiques.

Sous le soleil de Madrid : réaliser un cadran (partie 2)
Un projet d’EPI sur un problème antique illustré avec des outils modernes
Article mis en ligne le 6 avril 2018
dernière modification le 27 juin 2020

par Arnaud GUILLAUME

NDLR : Arnaud Guillaume enseigne les mathématiques (collège et lycée) au lycée français de Madrid (https://lfmadrid.net/) . Cet article fait suite à l’article Sous le soleil de Madrid : réaliser un cadran (partie 1).

Il tient à remercier ses collègues enseignants du lycée français de Madrid qui se sont lancés dans l’aventure de cet EPI et en particulier David Chaunut .

Note de l’auteur : il faut également remercier le soleil radieux de la capitale espagnole sans qui nous n’aurions pas été grand-chose !

Pour toute question ou remarque sur cet EPI, vous pouvez me contacter par mail en suivant ce lien.

Cet article peut être librement diffusé et son contenu réutilisé pour une utilisation non commerciale (contacter l’auteur pour une utilisation commerciale) suivant la licence CC-by-nc-sa http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/fr/legalcode

Introduction

L’article Sous le soleil de Madrid : réaliser un cadran (partie 1) du n°59 m’a permis de présenter le schéma général de la construction d’un cadran solaire équatorial dans le cadre de l’ EPI effectué au lycée français de Madrid.
Cet article m’a donné l’occasion de détailler la première partie consacrée à la recherche de la latitude d’un lieu avec des moyens « antiques » même si le caractère anachronique de l’utilisation des outils informatiques n’a échappé à personne.
Le texte ci-dessous présente les deux dernières parties de cet EPI : la détermination expérimentale du méridien d’un lieu associé à l’étude du temps solaire puis, pour terminer, la construction du cadran solaire [1].
Je renvoie le lecteur à la partie « Présentation générale de d’EPI » du n°59 pour un résumé des notions mathématiques qui vont y être abordées.

Partie 2 : Méridien et temps solaire

NDLR : afin d’éviter une fermeture des blocs dépliables lors d’un retour à l’article, nous conseillons au lecteur d’ouvrir les liens vers les documents dans un nouvel onglet au moyen d’un clic droit.

Comme nous l’avons vu, la construction d’un cadran solaire équatorial dépend de la latitude du lieu où il sera positionné.
Dans cette deuxième partie, la notion de méridien et de longitude entrent en scène pour l’orientation du cadran et la lecture de l’heure légale à partir de l’heure solaire.
La séance s’étend sur trois heures (trois fois une heure) en demi-groupe.

Les considérations géométriques qui permettent de justifier la construction de notre cadran solaire se déroulent dans le plan du méridien du lieu (voir figure de la partie 3) ; pour cette raison le style du cadran doit être orienté dans l’axe Nord/Sud.
Afin de faire observer cet invariant nous proposons à nos élèves un exercice d’observation de deux cadrans solaires à Madrid.
Pour cela nous préparons à partir du logiciel Google Earth deux repères pointant deux cadrans madrilènes que nous téléchargeons au format .kmz [2] (pièce jointe 3 et 4). Ces deux fichiers permettent aux élèves de comparer l’orientation des styles aux méridiens les plus proches et d’en conclure qu’ils sont orientés dans l’axe Nord/Sud.

Un cadran répéré avec un logiciel
Vue de l’écran, usage de Google Earth

Cette observation nous incite à rechercher une méthode permettant d’obtenir en un lieu l’orientation Nord/Sud. Naturellement les élèves proposent l’utilisation d’une boussole. Nous n’entrons pas dans les considérations physiques liées à la différence entre pôle Nord magnétique et pôle Nord géographique avec les élèves, même si nous présentons très brièvement les différences et donc les lacunes de la boussole pour notre problème.
Cette recherche nous donne l’occasion de présenter la différence entre le midi solaire et le midi de l’heure légale : Nous utilisons une représentation de la terre sur laquelle nous distinguons deux méridiens (Greenwich et « le méridien de Madrid qui passe sous nos pieds »…). Après avoir défini le midi solaire du lieu comme le moment de la journée où le soleil est dans le plan du méridien de ce lieu, une simple lampe représentant le soleil et un bâton planté orthogonalement à l’horizon permet aux élèves d’imaginer l’expérience : à midi solaire l’ombre d’un bâton planté verticalement dans le sol indique l’orientation Nord/Sud.

Une sphère et des méridiens
Dessin de l’expérience
Schéma préparatoire à l’expérience sur le terrain

– Nous sommes donc prêts pour notre expérience ! On prend le matériel utilisé lors de l’expérience sur la recherche de notre latitude à l’équinoxe et, à midi solaire, TOP on trace l’ombre ! 
– Oui mais...à quelle heure ?
– heu… vers midi ?!

Cette fois les élèves doivent déterminer le midi solaire. C’est le point délicat de cette partie mais c’est ce qui va permettre la mise en place des outils nécessaires à la lecture de l’heure légale sur un cadran solaire.

L’optique n’est pas de présenter dans le détail à nos élèves les causes astronomiques à l’origine du décalage entre le « temps solaire » et l’heure légale. [3] Nous nous bornons à légitimer la présence des paramètres longitude, équation du temps dans la formule.

Passage à 12 h solaire = 12 h Légale + longitude + équation du temps + 1 h ou 2 h

Décalage lié à la longitude du lieu :

L’utilisation de la sphère représentant la terre avec deux méridiens permet aux élèves de comprendre rapidement que la longitude du lieu entre en compte dans le décalage qui existe entre le midi solaire d’un lieu et le midi solaire de Greenwich.

Afin de déterminer l’intervalle de temps qui sépare le midi solaire à Greenwich de celui de Madrid nous proposons aux élèves un exercice (ex 3 du document en PJ) où les notions de proportionnalité et de mesure de grandeurs sont abordées.
Cet exercice est suffisant pour convaincre les élèves de la présence du paramètre Longitude dans la formule [4].

Équation du temps :

L’inclinaison de l’écliptique par rapport à l’équateur céleste et les lois de Kepler sont les causes astronomiques responsables de la différence entre le « soleil vrai » (le soleil réel) et le « soleil moyen » (soleil théorique qui se déplace sur l’équateur céleste de façon uniforme et parcours 360° en 24 h). La notion de réduction à l’équateur n’est évidement pas abordée avec des élèves de cinquième mais nous proposons à nos élèves de visualiser le mouvement non uniforme et non circulaire de la terre autour du soleil pour illustrer les lois de Kepler et donner du poids à la présence de l’équation du temps dans notre formule.



https://www.geogebra.org/m/Zwn38GQr

Un exercice de recherche de l’équation du temps permet alors à nos élèves de se familiariser avec la notion et de travailler les notions de nombres relatifs, les fonctions, la lecture graphique et le traitement de données.

Décalage lié à l’heure d’hiver et l’heure d’été :

Conscient que les élèves sont familiers de cette question nous la traitons rapidement avec un exercice de recherche d’informations sur Internet.

Faute d’être véritablement démontrée, la formule permettant d’obtenir l’heure légale en fonction de l’heure solaire est donc maintenant assez légitime à leurs yeux.

Afin de préparer l’expérience nous proposons aux élèves deux exercices :

Le premier demande de déterminer l’heure légale du midi solaire « à la main » le jour de la séance. Pour vérification des calculs, on utilise ensuite le site https://www.sunearthtools.com où le parcours du soleil du jour est présenté pour un lieu donné.

Vue du site SunEarthTools.com
https://sunearthtools.com

Le deuxième exercice est un travail sur tableur. La feuille de calcul à produire (feuille 1) permet d’obtenir l’heure légale du midi solaire en fonction du jour et de la longitude entrés par l’utilisateur.
Cette feuille s’appuie sur le tableau de l’équation du temps 2018 (protégé et placé en feuille 2) et d’un certain nombre de cellules déjà programmées en raison de difficultés des formules. Cet exercice permet de travailler avec le tableur, les expressions littérales ainsi que les conversions (pièce jointe 5)

Travail sur tableur
L’usage de commentaires liés aux cellules permettent de donner des indications aux élèves.

Le midi solaire étant déterminé pour le jour de notre expérience nous pouvons désormais la réaliser [5].

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Partie 3 : construction du cadran

Cette dernière partie est l’occasion de travailler les angles du triangle ainsi que les angles alternes-internes.
La séance dure un peu moins de deux heures (une heure en demi-groupe pour l’aspect théorique et le début des tracés des lignes horaires, puis une dernière heure pour la fin de la construction des cadrans en classe, en parallèle à d’autres travaux).
Pour cette séance des planches de 30 sur 30 cm (pour la table du cadran) ont été commandées chez un menuisier ainsi que des tiges filetées de 25 cm (pour le style). Je vais présenter ci-dessous la séance de l’année 2016-2017 où nous n’avons perdu aucun doigt (à ma connaissance) !

Nous débutons la séance par le visionnage d’un extrait de l’émission « C’est pas sorcier ». Elle justifie auprès des élèves que le style du cadran doit être parallèle à l’axe de rotation de la terre.

Ceci étant intégré, nous proposons un exercice à partir d’un fichier GeoGebra. Il va nous permettre de comprendre le réglage d’un cadran solaire en fonction de la latitude du lieu et ensuite de passer à la construction.

Image illustrant la situation
https://www.geogebra.org/m/jfUMMX9R#material/mcCM5EAZ
Cliquer sur le lien pour accéder à la version dynamique [6]

À partir du fichier ci-dessus nous demandons aux élèves d’émettre une conjecture concernant les angles du triangle ABC, puis de la démontrer.

Nous terminons par la construction du cadran :
La table est tracée avec des lignes horaires tous les 15°, des deux côtés de la planche car les rayons du soleil projettent l’ombre d’un côté ou de l’autre suivant la saison.
Pour l’installation du style nous proposons un dernier exercice, au format « Prise d’initiative » qui demande aux élèves de régler le cadran pour qu’il fonctionne à une latitude de 40° (approximativement celle de Madrid).
Les élèves travaillent en groupe de trois ou quatre, même si tous ont le matériel individuellement.

Cadran solaire

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Conclusion

Cet article présente le résultat de deux années de travail. La fluidité avec laquelle s’enchaînent les différentes étapes occulte peut être l’évolution du projet. Même si nous avons fait une étude préalable des savoirs à mettre en place et de la façon de les transmettre, il est comme souvent erroné de penser qu’une analyse complète et définitive précède l’action.
La transmission a en particulier fortement évolué au fil des mois. Peu habitués à ce type d’activité et peut être aussi victime de notre enthousiasme devant la quantité de points qui pouvaient être abordés, nos présentations se sont avérées rapidement trop magistrales. L’outil informatique, au cœur de nos travaux, était bien souvent réduit à un instrument de présentation vidéo-projeté permettant de gagner du temps et non pas un outil pour raisonner dans le cadre de démarches d’investigation.
Quand nous en avions la possibilité, nous avons donc tenté au maximum de mettre en place des exercices de type « prise d’initiative » en offrant un cadre suffisamment clair pour permettre aux élèves de travailler en groupe de façon autonome.
C’est dans ce cadre que les TICE ont véritablement offert toute leur puissance : outil efficace dans le cadre d’une démarche inductive, facilitateur de calcul dans d’autres situations ou simplement outil de présentation pour une classe inversée ou pour une différenciation, son usage rythme ce travail autour d’un instrument antique et c’est, selon moi, une des sources de notre engouement pour ce projet !

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